Parce que c’est une femme extraordinaire à la voix jamais égalée, une femme qui m’a fait rêver, et que cette chanson est pleine de bons souvenirs, intemporelle, toujours aussi belle et fraîche.
Désordre fragmentaire n°395
Il était une fois une photographe américaine qui a vécu en Israël puis s’est installée en France. Entre temps, elle a parcouru l’Égypte, la Palestine, la vie de tous les jours, le mémorial de la Shoah. Hally Pancer, découverte au bord du chemin, un pur moment de plaisir. J’aime particulièrement cette série de photos, ces deux femmes juives qu’on croirait plutôt sorties d’une réserve indienne, ce vendeur de chameaux et ce soldat sur le plateau du Golan… Continue reading “Désordre fragmentaire n°395”
Désirs tubulaires
Les journées de silence m’envahissent, le tonnerre a grondé hier soir, zébrant la nuit de traces acérées blanchâtres, je m’endors sur le bord de mes rêves. La semaine n’en avait que quatre mais m’a épuisé. Alors ce matin, tandis que je me dis que je devrais me reposer, je prends un peu l’air sur le balcon quand la maison dort encore. Je vais terminer ce livre de Bouvier qu’injustement je délaisse sur ma table de chevet et qui devrait être terminé depuis longtemps, mais comme souvent avec les bonnes choses, on aimerait que ça ne s’arrête pas. Aujourd’hui précisément, j’aurais aimé un peu de calme et de platitude, mais il y a toujours un événement qui en décide autrement ; les choses ne vont jamais comme on le souhaiterait — j’ai des envies de solitude soudaine, l’humanité (il lui faudrait une majuscule) m’emmerde et j’ai envie de le lui rendre. Après tout, pourquoi pas moi.
Je prends la main de Kenya et je l’emmène dans la salle à manger. A deux pas de moi, je regarde ses joues qui ont pris la couleur de l’abricot, de petites taches de son, légèrement parsemées lui font un air à la fois malicieux et candide. Mon appareil photo à la main, je lui dis qu’à compter d’aujourd’hui, je ferai une photo de lui par jour. Il sourit, l’idée le séduit, je le connais, il en sera fier comme un petit banc.
Photo © After Images (From America) par Kai-Olaf Hesse
C’est décidé, aujourd’hui, je me retire. Je vais prendre l’air, je vais marcher, l’air me pèse. Pas pour longtemps.
Dans mes affaires, j’ai quelques carnets noirs, certains encore vierges, planqués sous d’autres affaires entassées dans des cartons. J’ai également, dans un carton qui traine dans le couloir depuis quelques mois, toute cette manne que j’ai rédigé depuis 1995, l’année où j’ai commencé. Je ne sais vraiment pas quoi en faire. Je ne relirai rien de tout ça, je ne les ferai pas lire non plus, mais je ne pense pas que je puisse les jeter non plus. Qu’adviendra-t-il de tout cela si un jour je disparaissais prématurément — ça veut dire quoi prématurément, exactement ? Il n’en adviendra rien, très certainement, ou alors tout finira dans une benne à ordures, même si je meurs vieux.
J’avais besoin de me changer les idées, alors je me suis tourné vers ma voiture qui restait en plan depuis quelques mois — j’ai souri ou plutôt ri jaune lorsque j’ai vu une frêle mousse verte garnir le rebord de mes fenêtres, sur les joints — sur le parking. Évidemment, la batterie était complètement déchargée et les niveaux à zéro. Impossible de la recharger avec les câbles, j’ai dû en racheter une autre. Niveaux de liquide de refroidissement, huile, liquide de direction assistée et même lave-glace — j’ai poussé la perfection jusqu’à racheter des essuie-glace tout neufs. J’ai jeté tout ce qui trainait à l’intérieur, tout ce qui n’y avait pas sa place, passé un coup de chiffon sur les plastiques — si ma voiture avait été une Panhard & Levassor, j’aurais pu dire sur les boiseries — et le tableau de bord. Je l’ai ensuite emmenée au lavage automatique — profites-en cocotte, je n’aime pas comme tous ces blaireaux passer mon temps à te bichonner — pour lui rendre une nouvelle jeunesse. Un dernier coup d’aspirateur et te voici prête à battre la campagne comme aux temps glorieux — avec tes 102 000 kilomètres tu es un peu mon âme guerrière, mon double routier…
Voilà, au moins ça m’aura occupé toute une journée. A présent, je vais mettre un peu d’ordre chez moi — l’ennui me taraude —, je vais ranger ces cartons qui trainent et certainement encore découvrir des trésors que je pensais perdus à jamais et que je prépare une bonne fois pour toutes le rapatriement de mes livres.*
Enfin, pour conclure, mon fils, racontant que sa maîtresse a passé son week-end dans le Périgord, me dit : « Papa, la maîtresse est allée en Cromagnie. »
Un peu surpris, je lui demande de me préciser. Il me répond avec un sourire dont je ne sais si c’est du lard ou du cochon « Ben oui, la Cromagnie, c’est le pays des Hommes de Cro-Magnon !?»
Lou Mora
Lou Mora est un photographe dont les clichés accrochent tout de suite. Il suffit de voir ces ombres irisées passer sur ses portraits, sur les carnations particulières des visages qu’il entreprend. Ses personnages sont comme ceux d’un roman, ou plutôt pourraient être des personnages de romans ; typés, caractéristiques, marqués. Ils sont tout simplement beaux.
Diagrammes parisiens
CR blog (Creative Review) est un bon blog sur lequel il se passe souvent des choses discrètes et passionnantes. Il y a quelques temps a été publié un article sur le design des premiers plans de métro parisien et londonien. On y voit clairement l’inventivité et le cheminement de pensée de ceux qui ont dessiné ces petits plan que l’on glisse anodinement dans sa poche et auquel on ne fait quasiment pas attention.
Désordre fragmentaire n°394
Imaginons quelques instants une maison de rêve en temps de crise… Pas forcément évident. Non ici ce sont plutôt des habitats après saisie, des lieux ravagés par la justice aveugle. Le dénuement dans sa plus simple expression. Un projet de T.J. Proeche, heureusement entouré d’autres choses… Continue reading “Désordre fragmentaire n°394”
Koyaanisqatsi
Autant commencer par le début. Ce soir, j’entre dans ma bulle, les pieds en l’air sur le canapé, j’ai failli m’endormir sur Rilke ; sur les Lettres. Du jour harassant à la pensée néantisée le pas se franchit facilement. J’ai pris de quoi boire un peu — je bois j’ai très soif en ce moment — calfeutré sous mon silence les oreilles encore dévoilées mais non et les dents lavées — sous la couette et ici plusieurs lieux ; des grands noms s’affichent là ; Francis Ford Coppola, Philip Glass et en tout une réalisation pour une trilogie étalée sur 25 ans.
Koyaanisqatsi, premier volet de la trilogie des Qatsi.
Des mots ici pour l’histoire, la petite et la grande.
Pour information, toutes les vidéos des Qatsi sont téléchargeables gratuitement sur Google Vidéo.
Les livres d'un jour
Il y a des livres comme ça qu’on a envie de lire en une seule journée, dans un moment de solitude. Je regarde autour de moi dans mon appartement et je me demande si mon oppression serait moins grande dans plus petit. La question parait saugrenue, mais depuis ce matin, elle me taraude.
Sur mon étagère, il y a les lettres à un jeune poète de Rainer-Maria Rilke. Il me semble que c’est Michèle qui m’avait offert ce livre — je ne l’aurais pas acheté je pense — que je n’ai encore jamais lu. Aujourd’hui, c’est ce que j’ai envie de faire ; lire tous ces gens que par mépris, dédain, manque d’envie, paresse intellectuelle, je n’ai jamais osé lire ; Proust, Dumas, Chateaubriand, Rilke, Goethe peut-être (y a-t-il simplement un intérêt à lire Goethe ?). Les classiques m’intriguent. Hermann Ungar me regarde du coin de l’œil de Gustav Klimt. Proust me nargue terriblement. Et puis il y a tous les autres, les contemporains, les Selby Jr, Bukowski et autres DeLillo.
Paris, le 17 février 1903
Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ? Ceci surtout: demandez-vous à l’heure la plus silencieuse de votre nuit : « Suis-je vraiment contraint d’écrire ? » Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vos pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple : « Je dois », alors construisez votre vie selon cette nécessité.
Lettres à un jeune poète, Rainer-Maria Rilke
Les cahiers rouges, Grasset.
Traduit en 1937 par Bernard Grasset.
Désordre fragmentaire n°393
Kudász Gábor Arion. Une approche photographique de la nature et de son appropriation par l’homme, un univers oppressant vu par un Hongrois. Un petite musique nous accompagne, dans une ambiance qui est loin de m’être étrangère. On pourra peut-être lui reprocher son esthétisme purement levantin, mais sa photographie transpire la sincérité.
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Le pier de Vincent
Ai peint encore une étude sur la plage. Il y a quelques digues de mer, ou môles, —piers, jetées, — il y en a même d’excellents, faits de pierres rongées par le temps et de branches entrelacées. Je me suis installé sur l’un d’eux pour peindre la marée montante, jusqu’à ce qu’elle fût venue si près de moi que j’ai dû sauver tout mon fourbi. Et puis, il y a là entre le village et la mer des arbustes d’un vert foncé bronzâtre, ébouriffés par le vent du large et si réels que plusieurs d’entre eux vous font penser : mais ! c’est le Buisson même de Ruysdaël. Le tram à vapeur vous y mène à présent, on peut donc y arriver même quand on a des bagages ou quand on a des études encore fraîches à ramener.
Photo © Szeke
Il faut non seulement remonter de dix, mais de trente ou même de quarante et de cinquante années en arrière, pour retrouver la période où l’on se mit à peindre les dunes, etc…, dans leur aspect véritable. En ces temps-là, les choses étaient plus ruysdaëliennes qu’à présent.
Si l’on veut voir une chose qui évoque l’atmosphère d’un Daubigny, d’un Corot, on doit aller plus loin, là où le terrain est quasiment vierge de pas de baigneurs, etc…
Scheveningue est sans contredit très beau, mais il y a longtemps que la nature n’y est plus vierge ; mais cette virginité de la nature, je l’ai trouvée par extraordinaire au cours de l’excursion dont je t’ai parlé.
Voici à peu près comment était ce « pier » (jetée).
Rarement le silence, la nature seule m’a parlé comme cela, dans ces derniers temps.
Lettre n°307 écrite de La Haye entre décembre 1881 et septembre 1883,
extraite de Lettres à son frère Théo de Vincent Van Gogh,
Les cahiers rouges, Grasset.