Les Salines de Petit Village – Île d'Oléron

Il existe sur cette île de nombreuses salines, qu’ailleurs on appelle également marais salants. La mer s’engouffre via des chenaux dans les terres et le long parcours permet à l’eau de mer de s’évaporer, laissant sur place le sel de mer, cuisant la terre et lui donnant ces teintes rouges si caractéristiques. Un moment de douceur sous un climat rude, des couleurs magnifiques et l’odeur du sel qui flotte dans l’air, c’est l’ambiance que l’on trouve à Petit-Village, sur l’Île d’Oléron.

Salines de Petit Village

D’autres photos à proximité de celle-ci sur Flickr.

Minimalisme

Je ne sais plus par où commencer. L’impression de redécouvrir Internet et des milliers de choses qui trainent des tous les coins. Tout d’abord, je suis comme tombé en extase devant ces préfabriqués. Inhabitat est un blog spécialisé en architecture, avec une section entière dédiée au préfabriqué.
New Minimalist Houses: Un livre sur les habitations minimalistes par Anja Llorella Oriol chez Collins Design.
Gisue Hariri y Mojgan Hariri: Deux soeurs architectes, Belmont House – Belmont, California
Subtopia: un blog qui se définit lui-même comme A field guide to military urbanism…
Moonriver: Night Traveling, Day Dreaming, while Mapping my Escapisms, Tracing Love
Overshadowed: un traitement de la photo très particulier, des ambiances sombres…

The gate of the hundred sorrows

The gate of the hundred sorrows

Rudyard Kipling fait partie de ces compagnons de route dont on a du mal à se détacher. L’homme aux petites lunettes rondes et à la moustache épaisse était à mes yeux un homme étrange. Imprégné des ambiances des Indes coloniales, il a su extraire l’essence d’un peuple chaleureux et rude au travers d’un recueil de textes fabuleux. Borges disait des Indian Tales qu’ils sont des récits brefs, d’une langue et d’une forme très simples, qu’il (Kipling) rassemblerait dans un recueil en 1890. Beaucoup d’entres eux – In the House of Suddhoo, Beyond the Pale, The Gate of the Hundred Sorrows – sont des chefs-d’oeuvres laconiques.

The gate of the hundred sorrows, que je vous livre aujourd’hui est un peu comme un texte mythique, un de ces rares bijoux, qui, une fois qu’on les détient, font partie de nous-mêmes. Un texte captivant, triste et d’une beauté sans égale.

Une nuit à Goboto de Jack London

Jack London

Non, il n’est pas question ici de ce projet qui désormais fait partie des lettres mortes, mais du texte lui-même. Il se trouve que ma bibliothèque a rouvert ses portes après quatre mois de travaux, et j’ai donc pu emprunter à nouveau ce petit livre, cet introuvable de Jack London.
Ayant mal lu les indications notées sur le livre, j’ai enfin compris la raison pour laquelle on ne le trouve nulle part. Il a été distribué en cadeau aux abonnés du magazine Lire en je sais plus quelle année. Je sais que ce sont des choses qui ne se font pas, mais si je livre aujourd’hui ce texte que je me suis amusé à scanner ce matin, c’est uniquement parce que je trouve que ce serait dommage de ne pas faire profiter de ce texte à des gens qui aiment London et qui ne pourraient se procurer le livre. Ambiance portuaire, Corto Maltese et barriques de rhum…
Ecrit en 1911 et publié pour la première fois dans le Saturday Evening Post. Télécharger le zip

Balade japonaise

Au fil de mes lectures, j’ai trouvé quelques petites perles, certaines anciennes, d’autres toutes fraîches.
Japan Time est un blog précieux, calme, égrénant ses billets à un rythme lancinant. Le dernier en date montre un visage particulier du Japon, celui des métiers imaginaires. Immédiatement captivé par le titre, je me suis délecté de cette douce lecture. Il faut que je dise à l’auteur que j’attends les autres volets avec impatience.
Il m’est revenu en mémoire le court billet de David sur le Blog du Japon sur les pêcheurs. Là aussi, j’aimerais en savoir un peu plus, voir des photos des ports et de l’activité de la pêche au Pays du Soleil Levant, qui comme le rappelle l’auteur, est avant tout une île.
Un peu plus loin, un site dont j’avais déjà parlé. Tokyo les yeux fermés regroupe des fichiers audio d’ambiance sonore dans le Japon moderne, au restaurant, à Akihabara ou à l’usine.
Une bizarrerie sur Alive in Tokyo. Et de magnifiques photos sur Made in Tokyo, juste avant la tempête. Et en dernière minute, des photos superbes de la côte de Yakushima chez Antipixel.
Je découvre également Here and the Japan, un blog sur le Japon au travers de ses objets et de ses lieux. Etrangement dépeuplé.

Avec sa voix

En me couchant hier soir, j’ai pris plusieurs livres, histoire de grappiller un peu. Je me suis retrouvé au lit avec Joseph Conrad, Soren Kierkegaard, Héraclite et Ernest Hemingway. Il n’y avait pas assez de place pour tout le monde. J’ai enfin retrouvé les mots de Conrad, dans Youth, dans son étonnante préface écrite en 1917:

Au coeur des ténèbres aussi suscita un certain intérêt dès le début, et de ses sources on peut dire au moins ceci: il est bien connu que les curieux vont fureter dans toutes sortes d’endroits (où ils n’ont rien à faire) pour en ressortir avec toute sorte de butin. Cette histoire et une autre qui ne se trouve pas dans ce volume constituent tout le butin que j’ai rapporté du centre de l’Afrique, où, vraiment, je n’avais rien à faire.

J’adore cette idée qu’un roman ait pu naitre dans des circonstances hasardeuses, au gré d’expériences contrariantes dont apparemment l’auteur n’a aucune nostalgie, et surtout qu’un tel livre ait pu être écrit par quelqu’un dont la présence, de son propre aveu, était totalement incongrue, voire inadéquate. En lisant ces mots, je crois entendre la voix grasseyante de Conrad.

J’ouvre ensuite le journal du séducteur de Kierkegaard et décidément, ce monsieur est ennuyeux, je n’arrive pas à entrer dedans, même s’il faut l’avouer, son style est très léger. Je n’entends pas sa voix me parler.

Je jette mon dévolu sur Héraclite et ses fragments, un livre fâcheux que j’avais acheté quand j’étais encore étudiant, un beau livre illustré sur papier vergé. Je dis fâcheux car Héraclite est un monsieur embarrassant. Ses phrases absolument sibyllines sont pourtant d’une clarté inimaginable. Ses mots sont précis, pointus, absolument clairs, mais le sens est d’une telle profondeur que chaque phrase en est insupportablement chargée de sens et lance mon esprit dans des envolées lyriques sans fondement. Je retrouve un de ces fragments qui m’a tant fait réfléchir:

Taille du soleil; largeur d’un pied d’homme (peri megethous eliou, euros podos anthropeiou)

Héraclite n’a pas l’air, mais c’est un des penseurs les plus profonds de la Grêce antique. En parcourant quelques uns de ces fragments, je me retrouve emprisonné dans une ambiance étrange, pleine de questions et de blancheur. Je lève les yeux et mon regard tombe sur une reproduction d’une petite statue de Zeus. Etrange coïncidence. Sentant que je vacille et que mes certitudes sont à nouveaux ébranlées, je jette Héraclite à travers la pièce.

Et je me venge sur Hemingway, une courte nouvelle nommée Simple enquête, et là, je ne comprends plus ce que je lis, je suis complètement endormi, l’esprit comme le corps. Je relirai cette nouvelle plus tard. Il fait silence, il fait bon, l’air est un peu moite et je m’endors doucement.

Jinja

Jinja (神社) en japonais, c’est le sanctuaire, un manière pour moi de répondre à une question qu’on m’a posé il y a quelques temps. Lorsqu’on me demande ce que j’aime dans les blogs, la réponse ne vient pas naturellement, parce que ce que j’aime, c’est l’unicité de tel ou tel blogueur, sa particularité, son univers, sa méthode, son monde intime. Difficile donc d’en tirer une synthèse et des paradigmes. Alors plutôt que de répondre à la question, je vais dire ce que j’aime dans chacun des blogs que je lis. Je risque d’y passer pas mal de temps, mais je m’y colle. Il est plus difficile de dire pourquoi on aime que pourquoi on aime pas. Version 2.

J’aime Manue de Figoblog pour ses figues, ses couleurs et sa douceur, parce qu’elle me fait plonger dans l’univers de la bibliothéconomie que je ne connais pas, pour ses confitures. J’aime BluPaTaTo pour son humeur toute canadienne, sa bonne humeur, et son design toujours excellent. J’aime Soph et Ced (64k) pour leur pertinence, leurs liens pointus et une ambiance chaleureuse. J’aime Véronique Boisjoly pour ce qu’elle me fait découvrir, son petit monde à elle et ses vidéos, qui l’air de rien, me plongent dans une atmosphère urbaine à laquelle j’adhère complètement. J’aime Freakydoll que je connais un petit peu de la vraie vie, parce qu’il est gentiment déjanté et savemment exhibitionniste, j’aime son univers cosmopolite. J’aime Romu parce qu’il s’appelle Romuald, qu’il est photographe et qu’il a une manière de bloguer, laconique, pleine de superbe. J’aime Gregory pour sa paresse magnifique, ses quelques mots postés à l’envi, des mots qui vont droit là où il faut. J’aime Ambiome parce que c’est une fille qui ne mâche pas ses mots, parce qu’elle parle brut et sensuel. J’aime Araignée pour son petit grain de folie, les gens qui gravitent autour d’elle, son humour. J’aime Bashôan (Haikai) pour sa sagesse, ses mots simples sur une feuille blanche et sa rareté. J’aime Benoit Bisson parce que c’est mon pote. J’aime Mélisande pour ses mots déversoirs d’émotions fortes et sublimes. J’aime Nicolas pour sa variété. J’aime encore Romu pour ses photos qui lui ressemblent. J’aime Sébastien pour ses cascades, les images qu’il donne à voir, parce qu’il ne ressemble à personne d’autre. J’aime David et son blog du Japon parce que personne d’autre ne sait parler du Japon comme lui. J’aime Blogokat pour ses liens, sa façon de présenter les choses. J’aime Candy Froggie pour son univers, ses mots en anglais, ses bouts de chous. J’aime Franck Paul pour tout ce dont il parle, sa clairvoyance, ses explications très détaillées lorsqu’il endosse un costume de professeur. J’aime Fabienne parce que c’est elle et personne d’autre, parce que tout en elle me plait. J’aime Cey, parce que c’est simple, beau, sans fioritures, c’est brut et c’est bon. J’aime chez Luc parce que c’est toujours plein de choses intéressantes, c’est riche et ludique. J’aime Egoblog parce que ça parle beaucoup et on y apprend plein de choses. J’aime Laurent, allez savoir pourquoi. J’aime Enro pour son côté sombre et tragique, sans concession. J’aime Lucas pour son opiniâtreté et ses photos. J’aime Farf pour ses mots mordants, sa fidélité, son esprit caustique.


J’aime Gluons pour son côté gentiment fou et j’aime bien quand il vient m’embêter sur MSN. J’aime Heures Creuses, pas tout le temps, mais parfois je découvre de bonnes choses. J’aime Houssein pour son mordant, sa façon de toucher au but de manière percutante. J’aime AnT pour sa façon d’écrire et son déjantage quinzième degré. J’aime Japan Time pour ses billets rares et concis, sa vision désabusée du Japon. J’aime Je blogue donc je suis pour son humour, pour ce qu’il cherche et trouve. J’aime France pour sa verve, son lyrisme, ses récits d’Inde, son incomparable accent que l’on entend même à travers ses mots. J’aime Joey parce qu’il aime mes thèmes et pour l’ambiance générale. J’aime Pep parce que c’est un geek drôle. J’aime Karl pour son tempérament calme et emporté à la fois, parce que c’est lui qui m’a donné envie de bloguer. J’aime Ebb et Hoedic parce que c’est un blog à deux voix, parce que c’est riche et varié. J’aime Souricier pour son beat. J’aime Ollie pour son côté fouineur. J’aime le mot du jour pour son mot du jour. J’aime Leary Calls pour tout ses liens, quand il écrivait. J’aime Leningrad Cow-Boy, parce que c’est Romuald. J’aime Raskolnikov pour sa noirceur. J’aime les petites cases pour son érudition. J’aime Lolo² parce qu’il est impertinent. J’aime Miss Lulu parce qu’elle est bavarde et tendre. J’aime Xave parce que c’est un gentil bétassou. J’aime Mélismes pour ses billets rares et décapants. J’aime les Mitzugirls parce que ce sont des filles. J’aime Mitternacht parce qu’elle est impertinente et sévère. J’aime Kowalsky parce qu’on se ressemble, je trouve.

Et puis y’en a plein d’autres, ça va venir…

Mes abonnements sur Bloglines:

Ambiances bretonnes

De retour donc, avec près de 300 photos dans ma besace, il faisait un temps affreux, mais j’ai tout de même sorti mon appareil (photo) pour shooter. Je ne suis pas super content du résultat, mais j’ai finalement réussi à sortir quelques petites choses pas trop mal. Beaucoup de retouches pour la lumière et les couleurs, ce que je n’aime pas spécialement faire, mais c’est le seul moyen de rendre quelque chose de potable dans ce cas.


L’Arcouest, commune de Ploubazlanec, c’est le dernier point avant l’Île de Bréhat, un tout petit but de terre avant le large. Il faisait gris, mais le soleil a fini par percer la couche des nuages. J’ai cherché autour de moi et c’est vers l’ouest que j’ai senti que ça se passait.

Pointe de l'Arcouest

A Tréguier, je débarque comme un fleur, dans une ville fleurie. Le dimanche d’avant c’était le pardon de Saint-Yves, une procession en l’honneur d’Yves Helory, patron des avocats. Il y a des bannières noires et or partout sur les maisons, des bannières ornées d’hermines et d’aigles, les armes de la ville.

La cathédrale sous la pluie Maison natale d'Ernest Renan Maison natale d'Ernest Renan Vieilles maisons de la rue Ernest Renan

Dans la petite rue qui descend, je ne résiste pas au charme de la poissonnerie Moulinet et de ses fruits de mer appétissants, toujours frais, mais toujours aussi chers, incroyablement chers compte tenu de la proximité des producteurs. Les prix font parfois penser qu’on est à Paris.

poissonnerie Moulinet poissonnerie Moulinet

Mon fils voulait absolument voir la cathédrale de l’intérieur, grand bien nous en a pris. L’intérieur était encore décoré des bannières des villes de l’évêché, et pour le pardon, des centaines d’arums blancs avaient été déposés au pied de la châsse du Saint, au pied de son son tombeau. L’odeur entêtante envahissait toute la cathédrale.

Cathédrale de Tréguier Tombeau de Saint-Yves - Cathédrale de Tréguier Tombeau de Saint-Yves Tombeau de Saint-Yves Cathédrale de Tréguier

Ensuite, je monte la rue Saint-Yves, quelques maisons arborent encore des arums qui ont du mal à tenir. J’adore les portes de la vieille ville.

Tréguier Tréguier Tréguier

La peur de la nature

J’ai lu autrefois un livre de François Terrasson, La peur de la nature, un ouvrage richement illustré dont le propos était de montrer que la destruction que l’homme exerce sur la nature provient d’une part de son passé et des peurs ancestrales qu’il puise dans la mémoire collective, d’autre part, dans des tréfonds psychanalytiques auxquels je n’adhère pas du tout. Bref, ce n’est pas le propos. J’ai pris cette série de photo en Bretagne, dans le coeur de l‘Argoat (la terre des bois), dans la vallée du Perrier, et ce jour là, il régnait une ambiance étrange, quelque chose d’intemporel et de surnaturel, de l’ordre de ce qui se passe dans le film Blair Witch, une peur incompréhensible régnant partout autour de nous. La lumière, l’absence totale de promeneurs, le silence, tout concourait à engendrer le malaise.

Pourtant, il ne s’est rien passé, car il ne devait rien se passer. Mais inévitablement, la peur est là, reste, rend suspicieux, donne mal au coeur, de jour uniquement. Je me suis alors demandé si je pouvais franchir le pas, soit de me retrouver seul de jour dans un tel lieu, soit accompagné de nuit au même endroit. Résolument, n’étant pas peureux de nature, ni spécialement angoissé, la réponse est non. Absolument pas. La nature me fait effectivement peur. Incroyablement peur.

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Un récit qui donne un beau visage

Ce n’est pas pour rien que ce billet porte le titre d’un conte de Jorn Riel, un auteur qui a bercé certaines de mes nuits difficiles et qui m’a transporté sur les rives caillasseuses et enneigées du Groenland. Un récit qui donne un beau visage est un billet dédié à la collecte des plus beaux textes qu’il m’ait été donné de lire. Généralement courts, lus récemment, ce sont des oeuvres marquantes, des textes rares et refermant une puissance liée à la simplicité des mots et à la beauté objective des histoires. C’est ici que je veux partager ces lectures qui ne laissent pas indifférent.

Tout a commencé le jour où j’ai ouvert un livre de Jorge Luis Borges, un livre préfacé par l’auteur lui-même, El informe de Brodie. Sans avoir persévéré dans la lecture de ce recueil de nouvelles, je me suis plongé dans la préface (que je n’aime pas lire en règle générale, pour me plonger tout de suite dans la lecture), un texte court et dont la tournure m’a tout de suite interpelé. Voici un extrait de ces mots:

Les derniers contes de Kipling ne sont pas moins labyrinthiques et angoissants que ceux de Kafka ou ceux de James et leur sont, sans aucun doute, supérieurs; mais en 1885, à Lahore, Kipling avait commencé à écrire une série de récits brefs, d’une langue et d’une forme très simples, qu’il rassemblerait dans un recueil en 1890. Beaucoup d’entres eux – In the House of Suddhoo, Beyond the Pale, The Gate of the Hundred Sorrows – sont des chefs-d’oeuvres laconiques; je me suis dit un jour que ce qu’avait imaginé et réussi un jeune homme de génie pouvait, sans outrecuidance, être imité par un homme de métier, au seuil de la vieillesse. Le présent volume, que mes lecteurs jugeront, est le fruit de cette réflexion.

Je recommande chaleureusement la lecture de ce livre, et surtout de la préface. C’est une mine d’or dans un salon. Ces mots, je le disais, m’ont interpelé, pour la simple et bonne raison que j’ai lu les contes de Kipling dont Borges parle. Rassemblés en France et de manière très parcellaire dans un volume nommée L’homme qui voulut être roi (au Royaume-Uni augmenté et nommé Indian tales), ce recueil fait selon moi partie des plus beaux ouvrages qu’il m’ait été donné de lire. J’en veux pour preuve ce magnifique poème, L’Envoi:

And they were stronger hands than mine
That digged the Ruby from the earth
More cunning brains that made it worth
The large desire of a King;
And bolder hearts that through the brine
Went down the Perfect Pearl to bring.

Lo, I have wrought in common clay
Rude figures of a rough-hewn race;
For Pearls strew not the market-place
In this my town of banishment,
Where with the shifting dust I play
And eat the bread of Discontent.
Yet is there life in that I make,
Oh, Thou who knowest, turn and see.
As Thou hast power over me,
So have I power over these,
Because I wrought them for Thy sake,
And breathe in them mine agonies.

Small mirth was in the making. Now
I lift the cloth that cloaks the clay,
And, wearied, at Thy feet I lay
My wares ere I go forth to sell.
The long bazar will praise but Thou
Heart of my heart, have I done well?

Borges, un visionnaire ayant perdu la vue. J’ai retouvé sa trace un peu plus loin, dans un livre que j’ai acheté il y a bien longtemps uniquement parce que je trouvais la couverture aussi intrigante que le nom de l’auteur. Il s’agit de L’invention de Morel d’Adolfo Bioy Casares. Raconter cette histoire sera faire insulte à son auteur, car il s’agit réellement d’un texte exceptionnel. Borges y est encore présent car il est l’auteur de la préface, une autre préface étonnante.

Stevenson, vers 1882, observait que les lecteurs britanniques dédaignaient un peu les péripéties romanesques et pensaient qu’il était plus habile d’écrire un roman sans sujet, ou avec un sujet infime, atrophié. (…) Telle est, sans doute, l’opinion commune en 1882, en 1925 et même en 1940. Quelques écrivains (parmi lesquels il me plaît de compter Adolfo Bioy Casares) croient raisonnable de n’être pas d’accord. (…) En espagnol, les oeuvres d’imagination raisonnée sont peu fréquentes et même très rares. Nos classiques pratiquèrent l’allégorie, les exagérations de la satire ou bien, parfois, la pure incohérence verbale; parmi les oeuvres récentes, et je n’en vois pas, sinon tel conte des Forces étranges ou tel autre de Santiago Dabove: tombé dans un injuste oubli. L’invention de Morel (dont le titre fait filialement allusion à un autre inventeur insulaire, à Moreau) acclimate sur nos terres et dans notre langue un genre nouveau.

Quelle audace de sa part quand il finit par:

J’ai discuté avec sont auteur les détails de la trame, je l’ai relue: il ne me semble pas que ce soit une inexactitude ou une hyperbole de la qualifier de parfaite.

A la lecture de l’invention de Morel, on tombe dans un monde étrange, une île moite et solitaire, sur laquelle s’ébat (ou plutôt tente de survivre) un homme en fuite, seul, arpentant des endroits autrefois somptueux mais désormais à l’abandon. J’avoue que suivre le fil de l’aventure ne m’a pas été facile, car l’auteur brouille les cartes du début à la fin.

Je montai l’escalier: c’était le silence, le bruit solitaire de la mer, une immobilité traversée de fuites de mille-pattes. J’eus peur d’une invasion de fantômes, une invasion de policiers étant moins vraisemblable. Je passai des heures, ou peut-être des minutes, derrière les rideaux, affolé à l’idée de la cachette que j’avais choisie (…). Puis, je me risquai à visiter soigneusement la maison, mais mon inquiétude persistait: n’avais-je pas entendu, tout autour de moi, ces pas clairs qui se déplaçaient à différentes hauteurs ?

Le décor est planté, il s’y passe quelque chose de totalement irréel, dans une ambiance terriblement tendue alors qu’un seul personnage évolue dans un décor situé entre Shining et Apocalypse now.

C’est dans ces moments d’extrême angoisse que j’ai imaginé ces explications vaines et injustifiables. L’homme et le coït ne supportent pas de trop longues intensités.