Adrien Missika et Louis-Cyprien Rials

J’aime cette idée que la culture est une flèche que l’on tire, que l’on ramasse et que l’on retend sur l’arc, de manière à perpétuer le mouvement. C’est donc à la suite de mon précédent billet sur les Kōban (交番) que je vous emmène chez Adrien Missika et Louis-Cyprien Rials.
Le premier est né à Paris et vit à Genève où il a fait des études de photographie. Son travail est assez éclectique mais révèle un traitement de la couleur et de la lumière assez particulier que l’on identifie aisément d’une série à l’autre. Beaucoup de très bonnes choses.

Adrien Missika

Le second, on n’en sait pas beaucoup sur lui, si ce n’est qu’il adore les ruines et la ville dans ce qu’elle a de tentaculaire et de ténébreux, les horizons et les lieux déserts.

Louis-Cyprien Rials

Dans le désert de Loti – le synamare

Loti le fantasque, Loti l’excentrique, Loti le fou, disaient certains, celui qui n’hésitait pas à se promener en ville ou sur le port de Paimpol affublé d’un fez et vêtu à la Turc ; Loti a traversé le désert en 1894 en partant d’Egypte pour rejoindre Jérusalem, en passant par les hauteurs du Mont Sinaï. Une équipée terrible s’engouffre entre les falaises de marbre rose et les étendues de sable gris sombre battues par le Khamsin (خمسين) et il en ressort un texte sobre, dépouillé, dans lequel pourtant il nous livre des pages sublimes sur l’un des lieux les plus secrets de la planète : le Monastère Sainte-Catherine – la demeure de la solitude -, siège des reliques de la sainte et du Buisson Ardent, le lieu même où Moïse reçut la parole divine. Continue reading “Dans le désert de Loti – le synamare”

Confessions of a burning man

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Il y a quelque chose de fascinant dans cet événement planté en plein milieu du désert, qui part aussi vite qu’il arrive, telle une tempête de sable ne laissant rien d’autre sur son passage que la poussière. Le Burning Man me fascine, et je remercie Pierre-Olivier Labbe de me l’avoir fait découvrir, ainsi que Fabienne de m’avoir fait découvrir Darkhorse. L’univers du Burning Man, c’est une sorte de joyeuse fête hippie poussiéreuse, à mi chemin entre manifestation carnavalesque et manifeste mad maxo Priscillien, et foncièrement décalée avec les icônes polies d’une Amérique qui sourit de toutes ses dents blanches, sans pour autant se montrer dramatico-lyrique, en montrant un visage souriant et joyeux. La notion d’éphémère rend tout ceci inconstant et fragile.
Le burning man, je viens de le découvrir, a fait l’objet d’un documentaire: Confessions of a burning man, dont la musique donne le ton, une musique sensuelle et suave qui nous transporte dans un univers inconnu.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Crash_and_Burn_Intro.mp3]

Quelques morceaux de Darkhorse sont disponibles à l’écoute chez Napster, et pour les acheter il faudra passer par Three Sixty Records, un label électro dans lequel on pourra trouver des petites pépites telles que Sr Mandrill ou James Bernard.
Par ailleurs, je ne saurais trop conseiller la lecture du fabuleux livre de Magnus Mills, 3 pour voir le roi, lequel nous plonge dans cette ambiance un peu baba en plein milieu du désert.
Visions multiples du Burning Man en vidéo.
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Node™ n°3

Pour commencer, je suis allé faire un tour du côté de chez Google Books sur les conseils de Manue, parce qu’il parait – enfin, non, c’est vrai – qu’à présent on peut citer des extraits de livre et les faire s’afficher dans un page en HTML, sous forme de texte ou d’image, ce qui ne manque pas de charme – je pense notamment aux oeuvres de Humboldt que j’adore compulser sur le site ou cette étrange lettre sur l’invention de la boussole. Continue reading “Node™ n°3”

La terre vue du ciel

Après le succès certain des Google Maps et consorts, de nouveaux outils parallèles ont fleuri. Parmi ceux-ci, Flash Earth et Google Sightseeing.

Flash Earth est en fait une sorte d’agrégateur de tous les outils existants. Vous pourrez ainsi voir le monde avec Google Maps, Yahoo Maps, Microsoft VE, Ask.com, Openlayers et NASA Tierra. La même situation sera visualisée sous différentes versions, avec latitudes et longitudes et la possibilité de copier la localisation exacte. A noter que les images de la NASA sont incroyablement pauvres, bien que d’une exceptionnelle qualité.

Google Sightseeing est un outil merveilleux. Ce n’est ni plus ni moins qu’une chronique tenue par James et Alex, deux hurluberlus qui scrutent (à longueur de journée j’imagine) les photos satellites disponibles sur Google et y découvrent parfois des choses très surprenantes comme par exemple ces étranges spirales dans le désert égyptien. Continue reading “La terre vue du ciel”

Rares et précieux

Parce qu’ils sont rares, qu’on les voit peu et qu’on les entend encore moins souvent et parce qu’il n’y a rien de pire pour un mot que de ne pas être employé, voici une petite collection de mots rencontrés au fil des lectures, mots que je ne connaissais pas ou que j’ai rencontrés de manière tellement rare que j’en oublie le sens. A faire évoluer, grossir, à épancher comme de l’engrais dans une prairie.

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La mer vue du rivage

Photo © Goandgo

Un brave marin hollandais, ferme et froid observateur, qui passe sa vie sur la mer, dit franchement que la première impression qu’on en reçoit, c’est la crainte. L’eau, pour tout être terrestre, est l’élément non respirable, l’élément de l’asphyxie. Barrière fatale, éternelle, qui sépare irrémédiablement les deux mondes. Ne nous étonnons pas si l’énorme masse d’eau qu’on appelle la mer, inconnue et ténébreuse dans sa profonde épaisseur, apparut toujours redoutable à l’imagination humaine.

Les Orientaux n’y voient que le gouffre amer, la nuit de l’abîme. Dans toutes les anciennes langues, de l’Inde à l’Irlande, le nom de la mer a pour synonyme ou analogue le désert et la nuit.

Grande tristesse de voir tous les soirs le soleil, cette joie du monde et ce père de toute vie, sombrer, s’abîmer dans les flots. C’est le deuil quotidien du monde, et spécialement de l’Ouest. Nous avons beau voir chaque jour ce spectacle, il a sur nous même puissance, même effet de mélancolie.

Jules Michelet
La mer
1861

Le texte de Jules Michelet, La mer, est disponible dans son intégralité sur Wikisource.

Rub' al Khali, la Zone vide

Rub’ al KhaliPhoto © skorpio7272

Les déserts ont ceci de surprenant qu’ils sont des lieux vides dont l’attrait qu’ils exercent sur les sentiments humains ne peut être expliqué que par cette possibilité que l’on a de se retrouver livré à soi-même au milieu de nulle part. Les repères s’effacent et l’apparente vacuité révèle en fait un indiscernable réseau de pistes, telles que Bruce Chatwin les a inventoriées. Rub’ al Khali porte bien son nom, la Zone Vide, une des plus grandes étendues de sable au monde, grande comme la France et le Benelux réunis, coincée entre le sud de l’Arabie Saoudite, le Yémen et le sultanat d’Oman. Même les populations bédouines n’en connaissent que les contours, n’osant pénétrer cet enfer de sable dont les températures frôlent les 55°C en plein été et dont le terrain est parcouru de dunes de plus de trois cents mètres de haut.

Celui qui a fait découvrir ce désert au monde entier, c’est Wilfred Thesiger, un explorateur britannique décédé en 2003 et ces quelques mots, extraits de son livre Arabian Sands, en disent long sur l’attrait de la Zone Vide et cet étrange balance entre le plein et le vide.

For years the Empty Quarter has represented to me the final, unattainable challenge which the desert offered. […] Now I had crossed it. To others my journey would have little importance. It would produce nothing except a rather inaccurate map which no one was ever likely to use. It was a personal experience, and the reward had been a drink of clean, nearly tasteless water. I was content with that.

(Pendant des années, la Zone Vide a représenté pour moi le challenge final et inatteignable que le désert pouvait offrir. […] A présent, je l’ai traversée. Aux yeux des autres, mon voyage peut sembler insignifiant. Il n’est sans doute rien d’autre qu’une carte imprécise que personne ne pourrait utiliser. C’était une expérience personnelle, et la récompense en a été un verre d’eau claire presque sans goût. Cela me suffisait.)

Liens:

Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps (c’est magique !)…

Chiloé, terre des baleines et de Coloane

Un jour j’ai voulu revoir la maison où je suis né, au bord de la mer, mais elle avait été emportée par le temps et la dernière colère du Pacifique, lorsque la quasi-totalité de l’archipel de la mer intérieure de Chiloé s’était retrouvée un mètre au-dessous du niveau des eaux. Ce fut l’une des conséquences du tremblement de terre et du raz-de-marée de 1960.
Je n’avais jamais imaginé que ma vie serait à ce point bousculée par autant de voyages et que j’allais devenir avec le temps, et parfois malgré moi,une espèce de globe-trotter. (…) J’avoue que j’aurais bien aimé être un de ces explorateurs qui dressèrent les premières cartes de terres et de mers inconnues. J’ai beaucoup voyagé, trop sans doute, pour découvrir à la fin que les rivages les plus mystérieux restent ceux de mon enfance et de ma jeunesse : Chiloé, la Patagonie, la Terre de Feu, le Cap Horn, l’océan austral.

Photo © oxide_shuriru

Puerto Eden doit probablement son nom à la fabuleuse beauté du site. A l’extrémité du canal de Messier, bordé de hautes murailles grisâtres, le courant enfle comme une veine pressurée et le sombre couloir monumental débouche sur un monde nouveau, primitif, où règne une nature d’une luxuriance grandiose et indomptée. Après l’imposante austérité de la roche, les îles verdoyantes de Puerto Eden offrent le spectacle d’une splendide oasis qui semble récemment surgie des eaux, et où le voyageur s’attend à rencontrer les premiers hommes…
Toutefois, ces îles sont froides, humides, couvertes d’une épaisse et poreuse couche de tourbe millénaire. De ce tapis de mousse et de lichens s’élèvent des forêts de chênes, de canneliers, de cyprès et de lauriers. C’est sur ces rivages, où abondent fruits de mer et poissons, qu’une race ancestrale a trouvé refuge : les Alakaluf.
Nul ne sait d’où vinrent ces hommes. Après avoir traversé les eaux désertes et tourmentées du Pacifique Sud, ils furent probablement les premiers êtres humains qui foulèrent ce paradis protégé par les murailles andines et par la mer. Distincts des autres aborigènes qui peuplent les régions magellanes, ils reçurent des Yaghan de la Terre de Feu l’étrange nom “d’hommes de l’ouest avec des couteaux en coquillage”, ce qui est la signification du mot alakaluf. Puis un jour, l’homme blanc fit son apparition sur ces rivages vierges, introduisant l’alcool et la syphilis, bouleversant l’existence des Alakaluf, qui s’obstinèrent néanmoins à conserver la coutume de trancher le cordon ombilical du nouveau-né avec un coquillage.

Francisco Coloane, Tierra del fuego, 1963

Francisco Coloane

J’ai parcouru de nombreuses mers, et sur toutes sortes d’embarcations, même en canoë avec un Indien yagan depuis l’île Navarino jusqu’à la baie de Yendegaia. Je suis allé aux îles Galapagos, paradis d’importantes espèces animales. J’ai vu quatre cachalots dont les os noirs se détachaient dans la houle qui fendait les flancs du bateau…

Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps (c’est magique !)…