Carnet de notes

Il s’agit de carnets connus en France sous le nom de carnets moleskine, car ils sont recouverts de cette toile de coton enduite imitant le cuir. A chacun de mes passages à Paris, j’en achetais une nouvelle provision dans une papeterie de la rue de l’Ancienne-Comédie. Les pages étaient quadrillées, et maintenues en place à leur extrémité par un ruban élastique. Je les avais tous numérotés. J’écrivais mes nom et adresse sur la première page, et offrais une récompense en cas de perte à qui me le renverrait. Perdre un passeport n’était qu’un souci mineur ; perdre un carnet était une catastrophe. Au cours d’une vingtaine d’années de voyage, je n’en ai perdu perdu que deux. L’un a disparu dans un car afghan. L’autre me fut subtilisé par la police secrète brésilienne, qui, non sans un certain don de seconde vue, s’était imaginé que les quelques lignes que j’avais écrites – sur les blessures d’un Christ baroque – étaient une description, en code, de leur propre travail sur les prisonniers politiques.

Bruce Chatwin
Le chant des pistes, 1987

Je me remémore ces mots de Chatwin qui ne s’effacent pas depuis que je n’arrive pas à remettre la main sur ce tout petit carnet sur lequel j’avais commencé à prendre des notes un peu dans tous les sens. Des moments de solitudes aux mains vides et désemparées, incapable de me souvenir de l’endroit où j’aurais pu le laisser, incapable aussi de me souvenir ce qu’il y avait dedans, des mots oubliés, peut-être destinés à renaître ailleurs sous une autre forme, une sorte de semence disséminée à l’attention d’un inconnu surprenant.

Bruce Chatwin et ses Moleskine

Moleskine

Je pris une douche et préparai mon sac. J’y entassai une pile de mes vieux carnets noirs. C’étaient les carnets qui m’avaient servi pour le livre sur les nomades et que j’avais conservés quand j’ai brûlé le manuscrit. Je n’avais pas ouvert certains d’entre eux depuis au moins dix ans. Ils renfermaient un méli-mélo de notations presque indéchiffrables, de « pensées », de citations, de brèves rencontres, de notes de voyage et d’embryons d’histoire… Je les avais apportés en Australie car je comptais bien m’isoler quelque part dans le désert, loin des bibliothèques et du travail des autres hommes, et jeter un regard neuf à leur contenu.

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Grand Cahier Moleskine

Grand Cahier Moleskine Couverture

Alors voilà. Oui, c’est vrai. Je n’ai pas beaucoup écrit ces derniers temps, principalement parce que j’avais l’esprit très occupé par diverses choses et surtout, j’ai passé presque toutes mes soirées, entre les migraines et la fatigue, à remplir mon grand cahier Moleskine de photos et de mots, dans une tension extrême avec l’impression que je n’arriverais à terminer cette folle odyssée que je me suis presque imposé tout seul, cherchant à tâtons par quel chemin passer, sur une longue route, et au bout du compte, j’ai tout terminé dans les temps, je suis allé à la poste ce matin pour déposer l’objet et l’expédier ; si tout va bien, il sera à Milan demain dans la journée. Je me suis écorché les doigts, je me suis perdu, – j’ai fouillé dans les poubelles – pensant que j’étais très certainement incapable d’aller aussi loin en aussi peu de temps – ce qui me donne de la force pour le reste – j’ai toujours aimé travailler comme ça ; délais courts, flux tendu, urgence ; c’est comme ça que je donne le meilleur – je hais les durées.
Le résultat ne ressemble pas tellement à ce que je voulais faire à l’origine, mais je suis tout de même assez content de moi, malgré quelques coquilles, deux ratures impardonnables (mais compréhensibles, j’ai écrit vite). J’ai choisi la simplicité, pas de surfait, la composition par le texte – ce qui m’a rendu la tâche ardue.

Alors voilà. Voici la couverture.
Et le reste qui va suivre.

Petite note

Beaucoup de fatigue, des changements importants. Les yeux qui se croisent, la hâte chevillée au corps.
L’esprit occupé et une lettre que j’écris sur des pages volant au vent. Un moment crucial pour moi qui se rapproche.
Un moleskine grand format sentant encore la colle fraîche et dont les pages gondolent sous l’effet de l’humidité, il passera la nuit sous presse afin de signer la fin d’une phase. A présent, l’écriture va prendre le dessus. Il ne me reste plus que quelques jours pour extraire l’essence de mon travail et faire partir le pli par avion vers l’Italie. Et pour une fois, aucune ellipse dans mes mots. Juste le regard terriblement séduisant de Nadine Labaki. Un regard qui donne envie de se trouver derrière les stores…

Nadine Labaki

Moleskine teasing

Puisqu’il faut bien commencer par quelque part, autant que ce soit par le début. Reçu trois Moleskine hier soir en provenance de Milan, de la firme Moleskine. Après quelques jours fébriles d’attente. Découpage, impressions, coups de cutter, coups de pinceaux à colle, les photos placées, délimitées, presque la moitié du carnet est déjà organisée. Alors pour un avant-goût, la page de garde… Pour les autres, il va falloir être un peu patient.

Moleskine H-1

Absolument Moleskine

Il y a quelques temps, peu de temps après la sortie de Netizen et l’interview que j’y avais consacré, j’avais été contacté par un Monsieur très bien d’une agence de com’ pour devenir blogueur de marque (c’est à dire en gros être payé pour administrer un blog destiné à vendre, pour glorifier les bienfaits d’une crème de jour ou de produits toxiques pour désinfecter les toilettes) et il m’avait demandé si ça ne me dérangeait pas de me vendre au profit d’une marque, de mettre mes talents de rédacteur au profit d’un grand groupe, pour 300 euros par mois. Regard presque bovin – je ne m’attendais pas à ce genre de question. Bien sûr que ça me dérange ! Mais au même titre que ça me dérange de travailler, de vendre mon temps pour des choses que je ne connais que de loin dans la chaîne de production, et au même titre que ça me dérange d’acheter des produits de grandes consommations dont je ne connais pas les méthodes de fabrication, ni l’impact de cette production sur l’environnement ! Mais voilà, il faut bien croûter ! Il faut ramener des thunes dans le foyer pour faire bouillir la marmite, alors je lui ai dit de me filer mon cachet et que j’allais le tenir son blog ! Et puis de toute façon, il y a bien longtemps que je me suis résigné et je sais à présent que pour vivre, il faut parfois savoir vendre son cul. Bon, en fait, ça ne s’est pas fait, pour diverses raisons.

Lettres sauvages C-20

Hier soir, j’ai reçu un mail d’une gentille dame représentant une marque célèbre, en l’occurrence Moleskine (détenue par la Société Générale), louant mon travail sur les carnets de note du même nom et insistant sur le fait qu’ils représentent parfaitement l’esprit de la marque et elle me demande de lui envoyer un de mes carnets pour l’exposer au Frankfurt Book Fair en octobre et au London Book Fair en avril (l’équivalent du Salon du Livre de Paris, regroupant 23000 membres, des professionnels de l’édition). Comme je ne suis pas super chaud pour envoyer un de mes Moleskine, surtout parce que je n’en ai fini qu’un seul et que celui-ci se trouve à présent à Chêne-Bourg, la gentille dame me propose de m’envoyer gratuitement par DHL un Moleskine de mon choix afin que je le remplisse et que je le retourne. Bonne idée ça, ouais. Du coup, j’ai commandé un cahier extra-large ruled, couverture noire, de 120 pages que je dois remplir en moins d’un mois. Un beau challenge et des heures de boulot, de collage, de mise en forme, d’écriture…

La récompense ? Cinq Moleskine à la clé, le format et le layout que je désire. Et puis une gloire éphémère, représenter une marque pour un travail jugé de qualité.
Le risque ? Des milliers de visiteurs du Salon pourront manipuler mon carnet, la petite dame ne me garantit donc pas l’état dans lequel je vais le retrouver. Du coup je me dis que je réserverais bien une petite surprise aux gens qui seront susceptibles de voir mes pages.
Quoi d’autre ? La satisfaction d’accomplir un travail qui intéresse des gens et partager ça. Rien de plus, mais ça me suffit.

Primo Moleskine, la manufacture

Parfois, on me demande ce qu’il y a dans mes carnets, on s’interroge sur ce que je note dans ces petites choses à la couverture noire, on se demande ce que j’en fais ou à quoi ça peut bien servir, ou à l’inverse, on me demande comment je fais pour consigner tout ce que je vois et qui me sert à construire ce blog… En fait, je procède sans méthode et en dépit du bon sens, et doué d’une formidable capacité à m’intéresser passionnément et à oublier tout de suite après, l’intérêt de la prise de notes est pour moi plus qu’évident. Aussi, je tiens une sorte de journal achronique de tout ce qui me traverse à l’instant T. On se demande aussi pourquoi je porte des pantalons avec de grandes poches sur les cuisses. La réponse consiste généralement un soupir, un haussement d’épaules et trois, quatre mots qui signifient que c’est pour toujours avoir sur moi mes carnets. Je note tout, où que je sois, quoi que je fasse, ne me séparant de ces appendices vitaux et précieux que lorsque la nudité la plus totale affecte mon existence. Je note des références de livres, des noms qui me mènent sur des pistes de recherches, de simples termes qui renvoient à des notions que je veux explorer, des thématiques précises, des journées entières résumées, je note absolument tout.
Et ce que je fais aujourd’hui, c’est dévoiler une part de mon intimité qui consiste en ces pages bordéliques sur lesquelles j’écris les choses les plus importantes. Ceci est mon premier Moleskine, le plus précieux, celui qui ne me quitte jamais et sans lequel je me sentirais désoeuvré, celui par lequel tout a commencé. Morceaux choisis, et ce seront les seuls.

Primo Moleskine

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