Moksha, l'ultime récompense

Voici plusieurs semaines que je parcours ce site et ces lignes. Elles s’appellent Yamuna Dasi, Shanti Karuna ou Shaila Wala, elles sont anonymes et hindoues et leur point commun est d’avoir connu les tragédies de la vie, le suicide, le veuvage, la perte d’un enfant ou la misère la plus extrême. Fazal Sheikh, une américaine est partie à la rencontre de ces femmes brisées, de ces femmes voilées souhaitant ne pas montrer leur visage ou au contraire exposant leur figure blessée par la vie et les coups, ou apaisée, et elle en a tiré un livre sombre, rempli d’images fortes et dures, d’ambiances sombres et vaporeuses. Moksha est une oeuvre superbe, imposante et silencieuse.

MokshaMoksha

Sur la page d’accueil, retrouvez les autres livres de Fazal Sheikh.

Toyo Ito, l'inventeur

Toyo Ito n’est pas n’importe quel architecte japonais, c’est le créateur de la Médiathèque de Sendai, un monument que j’ai découvert grâce à l’exposition Le mouvement des images. L’idée de Toyo Ito est de détruire complètement les conventions architecturales*, ce qui contraste clairement avec la forme simple du bâtiment, car ici tout change à l’intérieur.
La médiathèque est composée de trois éléments distincts. Des plateaux de 2500m² sont espacés à des hauteurs différentes pour s’adapter à d’éventuelles évolutions futures, des colonnes de taille différentes et au plan aléatoire destinées à faire circuler les énergies (eau, électricité, air, etc.) sont disposées de manière anarchique sur l’espace, et la peau, faite d’aluminium et de verre sert à apporter la lumière ou à la réfléchir, manipulant la transparence et les aspects en fonction des moments de la journée.
Il suffit de voir le bâtiment en coupe sur maquette pour comprendre le génie de la structure.

Toyo ItoPhoto © Médiathèque de Sendai

Les autres oeuvres marquantes de Toyo Ito sont la Tour des Vents de Yokohama, dont la vocation est purement industrielle, la Salle de spectacles de Matsumoto, un bâtiment caractérisé par la circulation de la lumière et des espaces, et l’exceptionnelle maison White U de Tokyo sur laquelle il faudra que je revienne.

Liens:

* Oui, je sais, c’est une obsession.

Desktopography

L’aventure Desktopography est amusante. L’idée est de créer une galerie de fonds d’écran superbes autour du thème de la nature. Terminés les cascades des Rocheuses et les paysages enneigés du Vermont. Ici, c’est beau. Un peu difficile à charger mais la navigation est agréable.

desktopography

Les amoureux de la couleur

Le chromatisme est une science compliquée, elle implique d’avoir une connaissance prérequise des gammes et des harmonies et ce sont définitivement des choses qui ne s’inventent pas. J’en sais quelque chose puisque je me suis un peu creusé le crâne pour produire ce nouvel environnement.
Toutefois, si l’inspiration vous manque, si vous recherchez des associations de couleurs harmonieuses, voici un site parfaitement conçu qui recense des palettes par couleurs ou hexadécimales. Le seul petit reproche, c’est que les palettes ne regroupent que 5 couleurs maximum, mais rien de vous empêche ensuite de jouer avec une palette hexadécimale dans votre logiciel de retouche préféré.
Colourlovers.

Colourlovers

Minuscules écrits autour de personnages d'un quotidien qui n'aurait pas de nom

1.

Deux femmes sont debout dans le couloir du RER. Elles parlent entre elles dans une langue qui me semble totalement inconnue. Elles ont une peau noire assez claire et un nez retroussé. Incapable de me concentrer, j’essaie de trouver une ressemblance avec une langue que je connais, mais au milieu du discours fluide, sont intercalés des mots français et des mots créoles qui rendent mon écoute difficile. Au bout d’un moment, après m’être imprégné de ce flux agréable, je me rends compte que c’est du portugais, mais pas n’importe lequel, un portugais du Brésil, doux et léger, pas râpeux comme peut l’être celui des campagnes portugaises. Je les regarde parler entre elles, apparemment de tout et de rien, la conversation a l’air moins passionnante que la musicalité avec laquelle elles s’expriment.

2.

Je la remarque tout de suite parce qu’elle parle fort dans son téléphone alors que le silence règne dans le train. C’est le genre de fille que la discrétion n’étouffe pas. On a vite fait de catégoriser les gens et celle-ci fait partie de l’espèce de plus en plus répandue de Petassus Maximus, ça se voit tout de suite. Elle porte sur elle un morceau de tissu informe rayé noir et or qui lui va du bas des épaules au haut des genoux qui n’arrête pas de découvrir ses épaules, ce qui est certainement l’effet recherché. Gloss sur les lèvres, lunettes de soleil teintée, bagues énormes, elle est toute jeune et déjà complètement envasée dans le monde de l’apparence. Je ne retiendrai qu’une seule chose d’elle, son parfum doux que j’ai pu sentir malgré la distance. Un parfum reconnaissable puisque j’ai déjà pu le sentir des dizaines de fois.

3.

Train de 8h11. Sur le quai du train, elle ne peut qu’attirer les regards. Elle porte un pantalon court qui s’arrête sous le genou, fait d’une étoffe lisse et luisante comme le satin. Légèrement évasé à partir du genou, il enveloppe ses fesses avec magnificence, dans une courbe parfaite, laissant deviner des formes généreuses qu’elle doit savoir agréables au regard. Un jour, j’ai dit à une femme concernée par mes dires que j’adorais les femmes qui épousaient parfaitement leur pantalon. C’est exactement le cas. Lorsque de profil, je regarde avec envie ce magnifique fessier, je peux deviner la courbe de sa cuisse, ses fesses bombées et relevées, et de face, l’étoffe serrée peut même laisser deviner le dessin délicat de ses lèvres. Décidément trop absorbé par cette vision heureuse, je délaisse son visage que je trouve quelconque et sans intérêt. Certaines femmes ne sont parfois qu’en partie désirables.

Un homme qui dort

Tu te lèves le matin avec la tête dans le pâté en te demandant si ce n’est pas ce genre de journée où tu ferais mieux de rester couché parce que décidément une bonne journée ne peut pas commencer avec un léger mal de crâne et l’impression qu’on ne va jamais émerger, mais finalement, tout est calme, il fait beau temps, le vent ne souffle pas, et aucun nuage ne vient encombrer l’horizon, et puis tu te sens reposé, la nuit précédente nuit sans sommeil gommée d’un coup d’un seul, pfiout, partie, envolée, ça va bien, tu te regardes dans le miroir pour une fois, et tu regardes ta peau que tu viens de raser, une peau lisse, agréable au toucher et puis tu ne te trouves pas trop mal dans le reflet, c’est tout toi, charmant et calme, il faut bien l’avouer, les tourments de côté, pour une fois, on peut bien se permettre ça de temps en temps, et oh surprise, tu as de l’argent sur ton compte, alors ouf, ouais, ça, ça fait du bien, c’est pas si souvent, la voix de Tamara dans les oreilles, tu vas rendre un livre à la bibliothèque et malgré le fait que tu aies trois bonnes semaines de retard parce que tu l’avais oublié sur ta table de nuit, la bibliothécaire ne dit rien, elle peut te passer ça pour cette fois, et puis elle est contente que tu fasses amende honorable, bonne attitude, et en passant, tu rends son sourire à Claire qui enregistre les livres d’un air désinvolte, et puis tu reprends ta voiture – tu te rendras compte plus tard que tu as oublié de passer au garage pour prendre ton bouchon d’huile, mais c’est pas bien grave – et tu prends des photos, one shot, ça va tout seul, tu es à l’affût, prêt à dégainer, les photos se prennent toutes seules, des photos que tu n’auras pas besoin de retoucher, sur la route, ta tête est vide, tu ne penses à rien, tes emmerdes de côté, une mise entre parenthèses passagère histoire de reprendre ton souffle et tu passes quelques minutes à tenter de reconstruire savamment le souvenir de celle qui t’a fait croire que tu pourrais un jour être heureux, et tout s’effondre comme un château de sable renversé par les flots, alors oui, bien sûr, tu n’en mourras pas, on ne meurt pas de ces choses là, mais quand même, tu traînes avec toi un sacré bagage et tu te dis que tu n’as pas de bol, en fait non, tu te dis que tu vas en souffrir pendant pas mal de temps, parce que ces choses que tu n’as pas vécues, tu les traîneras avec toi toute ta vie en sachant que tu es passé à côté, et ça fera mal autant que ça t’a fait mal le premier jour, tu vas morfler mon gars, cette souffrance là, tu vas la porter vissée sur ta gueule pendant pas mal de temps, et puis tu te demandes si tu ne l’as pas cherché, si ce n’est pas toi qui as provoqué la tempête, et les minutes passent sur l’autoroute, tu t’engouffres sous terre, tu vas errer dans les rayons d’une libraire et tu vas craquer pour un livre rare d’Anne-Marie Schwarzenbach, un autre de Nicolas Bouvier et pourquoi pas quelque chose d’un peu plus anglais, plus léger, qu’en sais-tu, tu vas regarder les maillots de bain, mais rien ne te plait, alors tu vas acheter de la bouffe à emporter pour croquer un morceau assis à l’ombre sur l’esplanade, caché derrière tes lunettes noires, un souffle frais venant de temps en temps de la gauche, un courant d’air frais sur la droite, tu te laisserais bien aller à piquer un roupillon sur les dalles de béton, et tu te fous un peu de l’heure qu’il est parce qu’après tout, ça fait bien cinq jours que tu bosses sur le même bilan, dix-huit tableaux croisés remplis de chiffres que tu ne comprends même plus tellement tu as eu les yeux rivés dessus et tu te demandes où se trouve la faille, à quel moment tu as merdé, et tu n’en as pas dormi parce que tu demandais à quel moment tu allais bien pouvoir t’en sortir et passer à autre chose, alors tu ne regardes pas l’heure et tu profites de l’air ambiant, simple et naturel, tu te demandes pourquoi tout te semble si beau et que tu te sens si bien, mais surtout tu évites de te laisser bercer parce que tu te demandes à quel moment ça va basculer et pourquoi ça va finir par mal se passer… Tu te poses la question, jusqu’au moment où tu t’endormiras, au terme d’une journée bien remplie.

Photo © Ptrob59

4 ans et des poussières d'étoile

Cette année, pour fêter les 4 ans de mon blog, des feux d’artifice ont été tirés un peu partout en France les 13 et 14 juillet derniers. Malheureusement, étant peu en forme et fatigué, je n’ai pas réussi de très bonnes images, contrairement à l’année dernière. J’ai tout de même réussi à en extirper une pas trop mal.

Ici, mon tout premier billet, le 14 juillet 2003.

13 juillet

13 juilletFeu d’artifice tiré pour le 3ème anniversaire de mon blog

Rub' al Khali, la Zone vide

Rub’ al KhaliPhoto © skorpio7272

Les déserts ont ceci de surprenant qu’ils sont des lieux vides dont l’attrait qu’ils exercent sur les sentiments humains ne peut être expliqué que par cette possibilité que l’on a de se retrouver livré à soi-même au milieu de nulle part. Les repères s’effacent et l’apparente vacuité révèle en fait un indiscernable réseau de pistes, telles que Bruce Chatwin les a inventoriées. Rub’ al Khali porte bien son nom, la Zone Vide, une des plus grandes étendues de sable au monde, grande comme la France et le Benelux réunis, coincée entre le sud de l’Arabie Saoudite, le Yémen et le sultanat d’Oman. Même les populations bédouines n’en connaissent que les contours, n’osant pénétrer cet enfer de sable dont les températures frôlent les 55°C en plein été et dont le terrain est parcouru de dunes de plus de trois cents mètres de haut.

Celui qui a fait découvrir ce désert au monde entier, c’est Wilfred Thesiger, un explorateur britannique décédé en 2003 et ces quelques mots, extraits de son livre Arabian Sands, en disent long sur l’attrait de la Zone Vide et cet étrange balance entre le plein et le vide.

For years the Empty Quarter has represented to me the final, unattainable challenge which the desert offered. […] Now I had crossed it. To others my journey would have little importance. It would produce nothing except a rather inaccurate map which no one was ever likely to use. It was a personal experience, and the reward had been a drink of clean, nearly tasteless water. I was content with that.

(Pendant des années, la Zone Vide a représenté pour moi le challenge final et inatteignable que le désert pouvait offrir. […] A présent, je l’ai traversée. Aux yeux des autres, mon voyage peut sembler insignifiant. Il n’est sans doute rien d’autre qu’une carte imprécise que personne ne pourrait utiliser. C’était une expérience personnelle, et la récompense en a été un verre d’eau claire presque sans goût. Cela me suffisait.)

Liens:

Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps (c’est magique !)…