You see what I mean – Suivez la flèche

Adolescent par la fenêtre de ma chambre au premier étage, je pouvais dominer toute la vallée de la seine et orienté sud-ouest, tous les soirs, je regardais le soleil se coucher derrière la terrasse de Saint-Germain-en-Laye où je suis né et parfois, je prenais en photo ce soleil rougeoyant sur des pellicules entières. Je les ai retrouvées ces photos, j’en ai des dizaines, du même cadrage, du même soleil, prises du même endroit. Pourtant aucune de ces photos ne se ressemble à cause de la luminosité, des nuages, de tas de paramètres entrant en ligne de compte. L’autre jour, j’étais en de train de me les geler sur mon balcon histoire de prendre un peu l’air lorsqu’en regardant au loin, j’ai vu ces étranges zig-zags dessinés dans le ciel éthéré. J’y ai vu comme un croix mais ce qui m’a le plus frappé, c’est cette sorte de flèche dirigée en plein vers l’astre sur le déclin dans le ciel de l’hiver, comme tirée d’un arc par un Dieu de la Grèce ancienne.

n° 8 Suivez la flèche

Suivez la flèche
« You see what I mean » comme une affirmation, ou comme une question, une question qui amène une réponse à l’autre bout du monde, ou plutôt deux questions qui interrogent le monde et par lequel on répond avec l’œil du spectateur au travers de l’objectif. C’est le défi auquel nous nous plions Fabienne et moi, une fois par semaine autour d’un thème choisi d’un commun accord. L’orientation choisie, nous nous faisons la surprise de l’image avec notre personnalité, notre regard, notre sensibilité, pour donner naissance à de nouvelles perspectives qui étonneront certainement autant les visiteurs curieux que les auteurs.

Le moindre des mondes – Sjón

Pour trouver celui-ci j’ai du me compromettre jusqu’aux tréfonds du rayon littérature scandinave (je crois, ou alors était-ce littérature nordique, l’Islande ne faisant pas vraiment partie de la Scandinavie) d’un supermarché de la culture. On trouve parfois de réels petis bijoux lorsqu’on sort un peu des étalages dits “têtes de gondoles” ou des présentoirs destinés à servir une soupe fade et clairettre qu’on finit par retrouver entre toutes les mains des lectrices de trains de banlieue.Non, moi je peux m’enorgueillir de lire vraiment en sortant des parcours habituels en suivant toujours les miens. Ce qui m’a amené à Sjón (de son vrai nom Sigurjón Birgir Sigúrdsson), c’est un étrange concours de circonstances, mais c’est avant tout la quatrième de couv’, rédigée par Marie Darieussecq, présentant une histoire de métamorphoses. J’ai également appris que Sjón était poète et parolier pour la plus célèbre des Islandaises, Björk. Il est notamment l’auteur des paroles de Bachelorette et surtout d’Isobel que je tiens pour une de ses plus belles chansons. L’homme avait donc de grandes chances de me plaire et il le fit.

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Le moindre des mondes, le titre en français, est étrangement traduit et ne reflète pas vraiment ce que veut dire son titre islandais, Skugga-Baldur. Baldur Skuggason est un des personnages de cette histoire sombre, à mille lieux du folklore islandais. Baldur Skuggason c’est Baldur fils de Skukka – l’Ombre, Skugga-Baldur c’est Baldur de l’Ombre, un personnage ambivalent, à la fois violent et déterminé lorsqu’il part à la chasse à la renarde rousse (le titre anglais du roman est The Blue Fox) dans la tempête de neige jusqu’à se retrouver pris dans une avalanche dévastatrice. Son histoire ouvre le roman, sa traque ouvre le bal dans des mots suaves et froids, dans un poème chanté comme on peut en trouver dans les longues sagas de ce pays mystérieux.

Les feux du jour allaient s’éteindre.
Les salles de la voûte céleste s’étaient suffisamment obscurcies pour que les sœurs des aurores boréales entament leur allègre danse du voile.
Dans une féerie de couleurs, elles tournoyaient, légères et agiles sur la vaste scène des cieux, drapées de robes flavescentes, arborant des colliers de perles qui se disloquaient ici et là au gré de leurs ondulations frénétiques. C’est dans les instants qui suivent le crépuscule que ce spectacle est le plus distinct.
Ensuite, le rideau tombe ; la nuit prend le pouvoir.

L’histoire de Baldur de l’Ombre va se mêler étrangement avec celle de deux autres personnages, un botaniste du nom de Friðrik Friðjónsson et une trisomique du nom d’Abba, dont l’histoire remonte à des temps déjà anciens, autour de la découverte de deux paquets que la fille portait avec elle lorsqu’on l’a trouvée seule à bord d’un navire. Baldur le Révérend est emprisonné dans la neige, dans sa gangue de peaux, la dépouille de la renarde blottie contre sa poitrine.
Derrière cette histoire de morts, de renards et de neige, d’amitiés et de haines sauvages se cache un récit à la langue claire et violente, bien loin des idées toutes faites autour d’une Islande aussi sombre et rude que peuvent être claires les eaux des fjords.

– J’ai vu l’Univers ! Il est constitué de poèmes !
Les Danois se dirent qu’il avait parlé là en «rigtig Islændig », c’est-à-dire en authentique Islandais.

Le moindre des mondes, Sjón
Editions Rivage
Reykjavík, 2005

Précipité d'en haut

Précipité d’en haut…
Je n’écris pas pour me souvenir plus tard.
J’écris pour oublier maintenant…

trace

J’a retrouvé quelque part cette photo de Raymond Depardon dans mes petits papiers parmi un tas d’autres tirées du livre Voyages. D’autres parlent d’une femme dans le désert d’un amour niché au beau milieu des grains de sable, d’autres encore de grands hôtels vénitiens, d’autres encore me rappellent l’inavouable vérité des secrets ; une petite ritournelle me revient alors au loin comme le chant d’une boîte à musique dans les tourments du vent…
Dehors il gèle ce soir la nuit emporte l’odeur des dunes…
Plus que des poèmes.