Drôle de journée. Le Mexique est en ébullition à cause d’une suspicion de pandémie de grippe porcine. Ce midi, tandis que je venais quasiment de me lever, je suis resté assis devant la télé avec une grosse flemme. Il y avait un documentaire – après celui sur la Transpolynésienne, second épisode, j’ai manqué le premier – sur les pierres précieuses du Sri Lanka et notamment sur la Pierre de Lune que plus prosaïquement on nomme Orthose ou Adulaire. Cette pierre (composition chimique KAlSi3O8) est en fait un feldspath, ce même minéral qu’on trouve dans le granit et on le reconnait aisément à son iridescence bleutée.
Il existe d’autres couleurs de cette gemme notamment la jaune dont la couleur est en fait plus proche de celle du Champagne. J’ai découvert que ces pierres dont les plus insignifiantes sont appelées “laiteuses” subissent parfois un traitement particulier. Elles sont chauffées dans un four réfractaire dans lequel on utilise un pompe à kérosène, faisait ainsi monter la température à plus de 1700°C, opération destinée à terminer le travail que la nature n’a pas eu le temps de terminer, c’est à dire bleuir la pierre. Extraite dans le sud du Sri Lanka, dans l’humidité des marais que l’on perfore pour atteindre la couche kaolinique du sol entre 30 et 40 mètres sous terre, la pierre scintille à la lueur des bougies.
Je n’ai pu m’empêcher de penser au livre de Nicolas Bouvier, le Poisson-Scorpion – je ne m’étais jamais posé la question jusque là de savoir à quoi ressemble ce poisson et je découvre en fait que ce n’est ni plus ni moins que la rascasse volante – et de revivre quelques uns de ces plus beaux instants ; je suis allé chercher le livre dans ma bibliothèque ; je l’ai serré contre moi et j’ai été tenté de me replonger dans sa lecture, mais je me suis ravisé, encore une fois rongé par une paresse incommensurable. La pierre de lune demeure.
En attendant, je me suis endormi ce soir, sur la canapé avec mon fils, en regardant Tom Sawyer. Si si.