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Moka au bar de l'Hôtel de la Gare

Tu as remarqué ce petit Hôtel de la Gare qu’on ne voit que lui quand on sort du train ? Je me souviens de toutes ces petites gares où je me suis arrêté. Volonne, Brest, Plouaret-Tregor, Guingamp, La Bourboule, il y avait toujours un petit hôtel à proximité, un petit hôtel à l’air un peu miteux et aux fenêtres bardées de rambardes en fer forgé dont la peinture le plus souvent était écaillée. A Plouaret, petite gare sur la ligne Paris-Brest, l’hôtel faisait face au bâtiment sans charme et plutôt qu’un hôtel, c’était une maison, une vraie habitation de granit reconvertie. On y entrait sous une marquise en verre et dans la pièce à droite, un comptoir dans ce qui paraissait être une chambre. Dans la pièce à gauche un salon avec un babyfoot, une maison sans âme et sans chaleur qui ne voyait passer que des voyageurs égarés qui échouaient ici dans l’attente que leur parent se réveillât.
Ces petits hôtels ont à la fois le charme du temps qui a oublié de passer et la désuétude sensuelle des jours pluvieux.

Photo © Andre — Myopia Pix

Je me suis rendu compte ce matin quand dans ma ville, je passais tous les matins devant le petit hôtel. Etrangement, on s’attend à voir l’hôtel de la gare face à la petite gare de province, mais ici c’est le RER qui passe. Rien de bien important. Qu’importe.

Devant moi en sortant du bus, j’ai remarqué que les deux jeunes filles — habillées comme des Madames, talons hauts et morgue sur les lèvres, lunettes de soleil sur le front — portaient dans leur sac à main — un fatras impossible — leurs livres de cours. Collège ? Lycée ?
Dans le métro, un homme aux airs de professeurs lit un exemplaire éculé et écorné de Tristes Tropiques de Claude Lévi-Strauss. Un vague souvenir me rappelle que je ne l’ai pas encore lu alors que sur les bancs de la fac, j’avais entamé la lecture rébarbative du Grand Parler de Pierre Clastres et de Soleil Hopi.

Moka au bar à Shillong ou à Cherrapunji

Le bonheur, ça ne tient pas à grand-chose, et quand on met d’un côté de la balance ce qui nous rend heureux et de l’autre ce qui ne nous rend pas heureux ou nous rend malheureux, on se rend compte que le plateau le plus laid pèse plus lourd. Alors dans un souci de construire — quitte à ce que ce soit artificiel — des petites histoires pleines de bonheur, je pense qu’il me faut parler de tous ces petits moments que j’aime, que j’ai aimé et dont la teneur était si particulière que j’ai tenu à en noter quelques éléments dans mon carnet pour les restituer après.

Photo © Bahman Farzad

Je me suis extasié sur les multiples couleurs des Hostas, les albo marginata, les fortunei et surtout les Halcyon au feuillage glauque qui ont ma faveur à cause de cette couleur indéfinissable. Dans une autre vie, j’en ai cultivé plusieurs. L’avantage d’une collection de plante, c’est qu’elle est assez aisément reconstituable.
J’ai cueilli une immense feuille de marronnier, composée, grand comme une raquette de tennis.
J’ai bu un thé épicé, Alexandra David-Néel de chez Mariage.
Je me suis endormi en plein milieu de Koyaanisqatsi, mais c’est pas grave, c’est le genre de film qu’on peut laisser en plein milieu et reprendre sans avoir l’impression de ne pas pouvoir se remettre facilement dans le bain.
J’ai changé mes draps, retourné mon matelas.
Je lis Bouvier sous toutes les coutures, sa Chronique japonaise, le Japon de Nicolas Bouvier, Dans la vapeur blanche du soleil, je m’en donne à cœur joie et me dis que je pourrais parfaitement être l’homme d’un seul auteur…
J’ai mangé une part de tarte à la myrtille, un cupcake à la carotte, encore.
J’ai rêvé que je pouvais me promener à Shillong (शिलांग), la capitale du Meghalaya ou à Cherrapunji (चेरापूँजी), la ville la plus humide du monde, sans bouger du parc où je surveillais distraitement mon fils sur la balançoire.

Laissez-moi aller à Dunkerque ou au Crotoy, à Cabourg ou Saint-Malo, prendre un petit peu d’air… sur le bout de mes doigts et dans mes poumons.

Et je garde près de moi ces mots sublimes, de Bouvier évidemment, toujours dans sa Chronique japonaise.

J’aime beaucoup ces natures qui ne font pas de musique symphonique mais ne connaissent que quelques notes et les répètent inlassablement.

銭湯, sentō

J’ai profité hier du beau temps et de mon fils pour l’emmener à la piscine. Je n’y avais pas mis les pieds depuis pas mal de temps, depuis un mois de juillet particulièrement chaud et poisseux. Il n’y avait pas grand-monde dans le bassin ; un groupe d’adolescents qui se jetaient de l’eau à la figure, deux petits aux grands yeux qui prenaient des cours de natation, une grand-mère qui faisait des longueurs et des largeurs indistinctement, un quinqua qui peu préoccupé par la présence des autres faisait ses longueurs en dos crawlé et lunettes de plongée et qui distribuait régulièrement d’amples baffes à toute personne se trouvant sur son passage — certainement un de ces cadres sup qui vient ici pour se détendre avant une signature de contrat —, et nous deux.
La piscine était ouverte en grand sur les coups de 16h00 et c’est sous un beau soleil qu’on a pu se baigner au calme, sur le dos ou bien le ventre. Le train passe juste à côté et cet endroit a un air carrément surréaliste au beau milieu de la ville. En marinant petitement dans l’eau aux senteurs de chlore, jetant un coup d’œil de temps à mon fils qui faisant la nage du petit chien progressait lentement d’un bord à l’autre, je sentais mon corps se nettoyer doucement, étrangement dans ce lieu commun, et imaginant la douche que j’allais pouvoir prendre après pour me débarrasser du reste des scories, je savais dans quel bien-être j’allais me trouver en sortant d’ici. Je repensais alors à ces mots de Bouvier lus quelques jours auparavant.

japanese-sento-2Photo © Julia Baier

On paie vingt-trois yens d’entrée, on reçoit un panier pour déposer ses vêtements, puis accroupi devant les robinets en rampes qui font le tour de pièce d’eau, on se savonne et on se rince avant d’aller rejoindre dans la piscine bouillante (quarante-huit à cinquante-deux degrés centigrades) des voisins soudain expansifs et bavards. Nulle part vous ne trouverez les Japonais si accessibles. Certains députés profitent même de ce « relâchement » et vont prendre jusqu’à dix bains par jour juste avant le scrutin pour endoctriner des électeurs béats et désarmés, dans l’eau jusqu’au menton.
Au sento(1) d’Araki-Cho, l’heure de pointe suit la sortie du cinéma local. Les jeunes arrivent en bandes : des casseurs éblouis ou nostalgiques, selon le film qu’ils viennent de voir, occupent le bassin et font des vagues. Vers minuit la place reste aux paisibles, aux vrais amateurs qui marinent, les yeux fermés, ou s’amusent avec les jouets – cygnes en plastique, sous-marins miniatures – oubliés par les gosses.

(1) (銭湯, sentō)

Nicolas Bouvier, Chronique japonaise, 1956, l’année du singe.

Désordre fragmentaire n°395

Il était une fois une photographe américaine qui a vécu en Israël puis s’est installée en France. Entre temps, elle a parcouru l’Égypte, la Palestine, la vie de tous les jours, le mémorial de la Shoah. Hally Pancer, découverte au bord du chemin, un pur moment de plaisir. J’aime particulièrement cette série de photos, ces deux femmes juives qu’on croirait plutôt sorties d’une réserve indienne, ce vendeur de chameaux et ce soldat sur le plateau du Golan… Continue reading “Désordre fragmentaire n°395”

Flirt avec la réalité

Bon Dieu, je suis de retour avec les beaux jours
Beau en diable et surpris de ma propre audace
Tout nu sous mon caleçon
Tout beau quand je suis nu
Je termine ma journée flirtant avec la réalité
Difficile de revenir en arrière

Factioule

Factioule, comme “factuel” prononcé à l’anglaise comme dans “fuel” ou “Patrick Bruel”. Me contenter de dire les faits. Moi non plus, je n’ai pas beaucoup blogué ces derniers temps, mais le pire dans tout ça, c’est que je ne sais pas réellement pourquoi. Enfin si.
Le fait est que j’ai passé beaucoup de temps à ne rien faire. J’ai passé des soirées entières à regarder la télé, vautré sur le canapé en mangeant des yaourts et à boire des sodas bien sucrés — par exemple, je peux vous dire qu’avant hier soir, j’ai regardé Ocean’s Eleven et hier Lord of War. Que je ne vienne pas m’étonner après si je prends du poids à vue d’œil, et quand je dis prendre du poids, c’est quand même 10% de mon poids de forme. Vache. Continue reading “Factioule”

Sri Ragavendra

Le Sphinx

Sébastopol

On aurait pu croire que le soleil allait finir par se montrer, mais il n’en fit rien. Sous un ciel de plomb, aussi rugueux que son oxyde, j’ai garé la voiture, ma voiture, au parking Réaumur Saint-Denis pour ressortir juste face à une rue à l’odeur nauséabonde ; une odeur de pisse la transperçait de part en part avec une belle constance. Rue Guérin-Boisseau. J’ai remonté vers l’avenue de Turbigo avec mon fils qui ne réclamait qu’une seule chose, « se promener à Paris toute la journée ».

Rue Guérin-Boisseau

Une petite pièce

D’un côté de la rue Réaumur, l’église St Nicolas des Champs, fermée à clef un samedi, comme tout le quartier. Le fait qu’il y ait une forte concentration de commerçants juifs dans le quartier le rend aussi morne ce samedi qu’une ville bretonne un dimanche de Carême. Je passe par derrière pour tenter de trouver une entrée, mais je ne trouve qu’un porche, lui aussi imprégné d’une forte odeur d’urine. En face, les bureaux de Charlie Hebdo. Un petit supermarché fait tâche, unique trace de civilisation européenne dans ce quartier aux influences diverses. Sur le trottoir, deux turcs se filent des gifles sous les yeux blasés d’une dizaine de leurs compagnons.

Saint Nicolas des Champs

Saint Nicolas des Champs

Rue de Turbigo

Saint Martin des Champs

De l’autre côté, l’église St Martin des Champs, encerclée par l’enclos imposant du Conservatoire National des Arts et Métiers. Je tente d’entrer avec Kenya pour y voir et lui montrer le Pendule de Foucault, mais on me dit de revenir vers 17h15 si je ne veux pas m’acquitter du billet d’entrée. L’église n’en est pas vraiment une. Nous devons nous occuper jusque là et c’est avec l’estomac criant famine que je tire mon petit vers le premier resto rapide que je trouve, dans la très curieuse et passagère rue Montorgueil.

Les mannequins

Les mannequins

Les mannequins

Les humains qui se tiennent par...

Je repasse devant un magasin que j’avais déjà photographié il y a quelques années, une boutique de « mannequins » dans laquelle les poupées de présentoirs sont affublées des plus étranges accessoires. Il y a quelque chose d’un peu surréaliste ici, de foncièrement mis en scène. La pluie commence à tomber, désagréable, lourde et espacée. Je remonte la rue Beaubourg depuis Réaumur et découvre une petite rue transverse du nom de rue au Maire. Trois mômes, des petits Chinois déboulent de l’embrasure d’une porte au-dessus de laquelle est inscrit « fabrique de chaînes en aluminium ». Ici, tous les commerces sont tenus par des Chinois et toute la rue en a adopté le rythme et les usages. Un café se tient derrière de grands volets en bois ; on pourrait imaginer que dans l’ombre qui se tapit au fond se déroulent des activités illégales, une salle de jeu clandestine ou un commerce de drogue, mais c’est certainement fantasmer un peu trop. Ce n’est qu’un tripot de quartier dans lequel on sert du vin bon marché, une bière sans saveur et des bols d’un riz qui a cuit trop longtemps sur le bord du comptoir. Deux hommes tentent de maintenir des choux verts sur un transpal, mais rien à faire, la pyramide s’écroule et suscite les rires d’un quidam qui ne lève pas le petit doigt pour aider. Finalement, les deux autres rient aussi de la situation.
Un cortège fait place nette sur son passage. Des chants religieux en portugais derrière une madone blanche nimbée de lis blancs ; une femme touche la statue de bois et embrasse ses doigts ; les autres, d’une ferveur que je ne peux m’empêcher de trouver sinon ridicule, au moins superbement jouée – je hais ces gens qui de leur croyance intimes jouent au théâtre de marionnettes – ponctuent les phrases du prêtre de mots que je ne comprends pas mais dont la signification universelle se ressent. Je souris tendrement à ce spectacle imbécile et la rue retourne aux Chinois.

SOBHIC

Jeu de boules

Salon de thé

Le bon goût

Harmonie

Rue de Turbigo mon coeur

Il est l’heure que j’emmène mon fils voir le fameux pendule qui est accroché au somment du dôme de l’église St Martin des Champs. A l’intérieur, plus aucun signe de l’appartenance à l’Eglise, plus d’autel ni de stalles, plus de chapelles ardentes confinées ni de retables poussiéreux. Le contraste avec sa voisine St Nicolas est saisissant. L’autre qui sentait la poussière et la vieillerie et qui avait du mal à faire bonne figure avec ses dalles lustrées et sa lumière sépulcrale semble figée dans le temps tandis que celle-ci est habitée des plus grandes découvertes liées aux avancées technologiques du XIXe et du début du XXe siècle : le moteur diesel, la pompe hydraulique, le moteur de la fusée Ariane et surtout cette étrange pièce inventée par le président américain Thomas Jefferson, le versoir, qui dans sa forme optimisée, sert à retourner la terre d’une manière tout à fait étonnante. Au plafond, les avions des pionniers des airs
D’un côté le catholicisme engoncé dans ses archaïsmes, de l’autre un simili protestantisme lumineux, une église sans représentation et des murs ornés de motifs géométriques propres et sobrement colorés. Papistes contre technologie, l’obscurantisme et les lumières.

Le pendule de Foucault

Calendrier perpétuel

Liberty, l'originale

Bréguet

Couleurs de Saint Martin des Champs

Je me rends aux Halles et dans le magasin souterrain qui offre à voir une belle collection de théières et de thés venus du monde entier, je me trouve nez à nez avec un type que je reconnais immédiatement comme étant un écrivain célèbre. C’est Pascal Bruckner. Je n’ai jamais rien lu de lui, en sait pas grand-chose de ce qu’il a écrit, mais je reconnais aisément son front large et ses yeux plissés. Je fixe ce visage dans ma mémoire, nous échangeons un regard.

La journée touche à sa fin, et c’est vers Gare du Nord que je me dirige pour trouver un take-away indien. Finalement, après avoir tourné quelques temps pour trouver une place, je jette mon dévolu sur une gargote qui ne paie pas de mine, un bouiboui comme on pourrait en trouver dans les bas-quartiers de Madras. Sauf qu’ici, nous sommes chez des Sri-lankais, un couple modeste avec un enfant de treize ou quatorze ans qui prend les commandes tandis que le père, un petit homme souriant à la moustache blanchissante, fait le service en secouant la tête de gauche à droite. Les plats ne sont pas chers et l’odeur d’épices qui emplit l’échoppe me fait saliver tout ce que je peux. Je décide finalement de rester diner ici. Je prends un Pakora, un assortiment de beignets et samusas épicés que je garnis de cette sauce au piment et de l’autre à la menthe, un Dhal de lentilles, un nan au fromage et un Mosala Dhosi, une crêpe gigantesque à la viande et au beurre rance que je n’arrive pas à finir tellement la peau de mon ventre risque de céder sous la pression. Je ne me reconnais plus tellement j’ai mangé, je marche avec les jambes écartées jusqu’à ma voiture. Le reste, j’ai demandé qu’on me l’emballe, limite au bord du malaise. La nuit est tombée depuis longtemps, mon fils s’endort dans mon dos.

Ce dimanche, nous passons voir Nadège et Richard, qui viennent ensuite prendre le café et manger des cupcakes à la carotte sur les coups de cinq heures, avec un thé à l’amande qui n’a rien à voir avec celui de Sophie. Je ris encore à repensant à cette échange surréaliste:
«  Tu les as trouvé où tes ipomées ? »
« Je ne sais pas, je les ipomées… »

Ma journée se termine dehors. J’ai envie de prendre l’air, je sors volontairement avec mon imperméable sous une averse battante ; les odeurs de platanes et de fleurs de marronniers se mêlent savamment aux couleurs chatoyantes des fleurs d’arbres de Judée tapissant le fond du caniveau ; une eau claire s’y écoule tandis que je redescends vers chez moi. Le week-end s’achève après trois jours que j’ai su modeler pour ne pas en subir l’ennui et croyez-moi, cela relève de l’exploit.