You see what I mean – Odeurs

Il existe un monde dans lequel on finit par rêver tant les petits délices de la vie se font rares, alors on se prend à imaginer que quelque part, ailleurs, dans un autre monde ou plus prosaïquement dans un autre pays, un monde d’odeurs puisse nous entraîner et nous attirer comme le fait le joueur de flûte avec les enfants de Hammelin au dehors de la ville. Une vision exotique des choses dans laquelle rien ne subsisterait des tracas, simplement un monde idéal enchantant les sens, que ce soit pour ses couleurs ou ses odeurs. Un monde dans lequel serait effacé tout ce qui, métaphoriquement ou non, serait malodorant, nauséabond.

n° 22 Odeurs

Odeurs de chou

« You see what I mean » comme une affirmation, ou comme une question, une question qui amène une réponse à l’autre bout du monde, ou plutôt deux questions qui interrogent le monde et par lequel on répond avec l’œil du spectateur au travers de l’objectif. C’est le défi auquel nous nous plions Fabienne et moi, une fois par semaine autour d’un thème choisi d’un commun accord. L’orientation choisie, nous nous faisons la surprise de l’image avec notre personnalité, notre regard, notre sensibilité, pour donner naissance à de nouvelles perspectives qui étonneront certainement autant les visiteurs curieux que les auteurs.

Désirs tubulaires

Les journées de silence m’envahissent, le tonnerre a grondé hier soir, zébrant la nuit de traces acérées blanchâtres, je m’endors sur le bord de mes rêves. La semaine n’en avait que quatre mais m’a épuisé. Alors ce matin, tandis que je me dis que je devrais me reposer, je prends un peu l’air sur le balcon quand la maison dort encore. Je vais terminer ce livre de Bouvier qu’injustement je délaisse sur ma table de chevet et qui devrait être terminé depuis longtemps, mais comme souvent avec les bonnes choses, on aimerait que ça ne s’arrête pas. Aujourd’hui précisément, j’aurais aimé un peu de calme et de platitude, mais il y a toujours un événement qui en décide autrement ; les choses ne vont jamais comme on le souhaiterait — j’ai des envies de solitude soudaine, l’humanité (il lui faudrait une majuscule) m’emmerde et j’ai envie de le lui rendre. Après tout, pourquoi pas moi.
Je prends la main de Kenya et je l’emmène dans la salle à manger. A deux pas de moi, je regarde ses joues qui ont pris la couleur de l’abricot, de petites taches de son, légèrement parsemées lui font un air à la fois malicieux et candide. Mon appareil photo à la main, je lui dis qu’à compter d’aujourd’hui, je ferai une photo de lui par jour. Il sourit, l’idée le séduit, je le connais, il en sera fier comme un petit banc.

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Photo © After Images (From America) par Kai-Olaf Hesse

C’est décidé, aujourd’hui, je me retire. Je vais prendre l’air, je vais marcher, l’air me pèse. Pas pour longtemps.
Dans mes affaires, j’ai quelques carnets noirs, certains encore vierges, planqués sous d’autres affaires entassées dans des cartons. J’ai également, dans un carton qui traine dans le couloir depuis quelques mois, toute cette manne que j’ai rédigé depuis 1995, l’année où j’ai commencé. Je ne sais vraiment pas quoi en faire. Je ne relirai rien de tout ça, je ne les ferai pas lire non plus, mais je ne pense pas que je puisse les jeter non plus. Qu’adviendra-t-il de tout cela si un jour je disparaissais prématurément — ça veut dire quoi prématurément, exactement ? Il n’en adviendra rien, très certainement, ou alors tout finira dans une benne à ordures, même si je meurs vieux.

J’avais besoin de me changer les idées, alors je me suis tourné vers ma voiture qui restait en plan depuis quelques mois — j’ai souri ou plutôt ri jaune lorsque j’ai vu une frêle mousse verte garnir le rebord de mes fenêtres, sur les joints — sur le parking. Évidemment, la batterie était complètement déchargée et les niveaux à zéro. Impossible de la recharger avec les câbles, j’ai dû en racheter une autre. Niveaux de liquide de refroidissement, huile, liquide de direction assistée et même lave-glace — j’ai poussé la perfection jusqu’à racheter des essuie-glace tout neufs. J’ai jeté tout ce qui trainait à l’intérieur, tout ce qui n’y avait pas sa place, passé un coup de chiffon sur les plastiques — si ma voiture avait été une Panhard & Levassor, j’aurais pu dire sur les boiseries — et le tableau de bord. Je l’ai ensuite emmenée au lavage automatique — profites-en cocotte, je n’aime pas comme tous ces blaireaux passer mon temps à te bichonner — pour lui rendre une nouvelle jeunesse. Un dernier coup d’aspirateur et te voici prête à battre la campagne comme aux temps glorieux — avec tes 102 000 kilomètres tu es un peu mon âme guerrière, mon double routier…

Voilà, au moins ça m’aura occupé toute une journée. A présent, je vais mettre un peu d’ordre chez moi — l’ennui me taraude —, je vais ranger ces cartons qui trainent et certainement encore découvrir des trésors que je pensais perdus à jamais et que je prépare une bonne fois pour toutes le rapatriement de mes livres.*

Enfin, pour conclure, mon fils, racontant que sa maîtresse a passé son week-end dans le Périgord, me dit : « Papa, la maîtresse est allée en Cromagnie. »
Un peu surpris, je lui demande de me préciser. Il me répond avec un sourire dont je ne sais si c’est  du lard ou du cochon « Ben oui, la Cromagnie, c’est le pays des Hommes de Cro-Magnon !?»

You see what I mean – Beaucoup de bruit

Je déteste le bruit, je déteste vraiment. Je pense que sur terre, personne, pas même les moines du monastère bénédictin de Ganagobie, ne hait autant que moi le bruit. Je suis capable de passer des heures sans le moindre bruit autour de moi sans que cela ne puisse influer sur mon être. Je préfère de loin l’absence de bruit à l’absence de n’importe quoi d’autre. Pourtant, il y a cette douce contrariété qui me fait mentir parce que ce bruit, certes pas à l’excès comme souvent, fait partie de ma vie et m’enchante, me fait me sentir vivant plus que tout au monde. Même si pourtant, rien n’est plus dur à faire taire que ce bruit, il a quelque chose de foncièrement charmant. Surtout lorsqu’il me regarde comme ça… Continue reading “You see what I mean – Beaucoup de bruit”

If Im not back again this time tomorrow…

Depuis plusieurs jours, je n’arrête pas de relire ces quelques mots étalés sur deux pages, sans pouvoir me persuader d’aller plus loin.

Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : “Je m’endors”. Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison, mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d’une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j’étais libre de m’y appliquer ou non ; aussitôt je recouvrais la vue et j’étais bien étonné de trouver autour de moi une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j’entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d’un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l’étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et le petit chemin qu’il suit va être gravé dans son souvenir par l’excitation qu’il doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour.
Marcel Proust, Du côté de chez Swann

[audio:http://theswedishparrot.com/xool/nothing.xol]

reveriePhoto © Kathleen Tyler Conklin

Je ne fais strictement rien cet après-midi, rien d’autre que boire du thé à l’amande en écoutant Solaris en boucle. Pris ma douche et me suis allongé sur mon lit en regardant le vent dans les saules.

Lou Mora

Lou Mora est un photographe dont les clichés accrochent tout de suite. Il suffit de voir ces ombres irisées passer sur ses portraits, sur les carnations particulières des visages qu’il entreprend. Ses personnages sont comme ceux d’un roman, ou plutôt pourraient être des personnages de romans ; typés, caractéristiques, marqués. Ils sont tout simplement beaux.

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Une idée du hasard et de la lumière

Ce qui me fait arriver sur telle ou telle image a parfois de quoi surprendre. Ici, j’y suis arrivé car c’est un site qu’on m’a montré au détour d’une conversation.
J’ai été frappé par la correspondance entre ces photos et tout ce que j’y aime. Les teintes, le cadrage, le sujet et la conversation entre l’objectif et l’auteur… Il y a quelque chose de magique dans ces clichés qui dépasse le strict cadre de l’image d’Epinal. De Venice au Pakistan, de Cuba au Maroc, ces photos sont une invitation à faire ses valises et prendre un billet d’avion, à s’armer de dépaysement, à s’oublier dangereusement dans la matière du monde. Alice’s Dream //

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Une simple rencontre

Je trouve qu’il n’y a rien de plus suppliciant que de rencontrer une personne douce dont on sait qu’on ne la reverra plus jamais, et que le dernier regard échangé sera effectivement le dernier. Cette fatalité là m’exaspère et me perd…

Diagrammes parisiens

CR blog (Creative Review) est un bon blog sur lequel il se passe souvent des choses discrètes et passionnantes. Il y a quelques temps a été publié un article sur le design des premiers plans de métro parisien et londonien. On y voit clairement l’inventivité et le cheminement de pensée de ceux qui ont dessiné ces petits plan que l’on glisse anodinement dans sa poche et auquel on ne fait quasiment pas attention.

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