Le style et la métaphore

Alors que j’étais assis tranquillement sur un pierre au bord de la route, j’ai été interpelé par Fabienne qui, revenant d’un voyage un train avait posé ses yeux sur les lignes d’un livre de Fante, Demande à la poussière, trouvait que certaines phrases auraient pu être écrite par moi. Je n’ai pas la prétention de savoir écrire comme lui, loin de là, mais tout ceci nous a amené à nous poser la question de savoir si l’on lisait les auteurs dont le style nous semblait proche du nôtre ou si au contraire, on écrivait dans un style proche des auteurs que l’on aime. J’ai commencé par répondre Aucun des deux mon général, et j’en suis finalement venu à la conclusion que c’était plutôt les deux mon général. Explication de texte.


Selon moi, ce qui structure un être humain dans ses relations sociales, ce sont des niveaux de compréhension, des socles que l’on pourrait appeler des plateaux, des strates imbriquées les unes dans les autres, représentant métaphoriquement des constructions historiques, sociales, religieuses, anthropomorphiques, animistes, politiques, sexuelles, etc. Toutes ces représentations sont nées d’agencement liés à l’histoire de chacun et de ces constructions naissent le désir, ce vers quoi nous sommes naturellement portés. Le style d’un auteur nait également de ces représentation, sous forme de métaphore. Pour parler simplement, le style, c’est la métaphore à l’état pur. Sans style, tout le monde raconterait la même histoire de la même façon, mais là où la métaphore intervient, c’est lorsque deux histoires identiques racontées avec deux styles différents donnent lieu à deux contextes, deux univers, deux façons de représenter et ainsi de suite. pour en revenir à la question primordiale, je pense qu’il existe un socle à partir duquel on se construit et gravitent un certain nombre de choses similaires à ce que j’appelle le désir dans un sens global, et nécessairement, notre écriture et notre direction de lecture participent de ce grand ensemble.Comme je le disais également, ceci n’est que ma vision des choses, laquelle s’inspire d’orientations philosophiques précises. Posez la même question à un adepte de la psychanalyse, il vous répondra que votre Oedipe a un mauvais karma, qu’il se surreprésente dans le ça et qu’il vous faudrait vous allonger là et cracher quelques billets avant de poursuivre.

Sur ce, (message personnel) à présent que j’ai blogué, je m’en retourne dans ma tanière. Prochain billet prévu à la saison des pluies.

Berserkr

rouge orange

En vieux norrois, Berserkr, c’est la peau d’ours. Dans l’histoire nordique, les Berserkr sont de soldats surentrainés à en être fous, prédisposés à la violence et drogués à saturation, dont la folie leur permettait de se battre sans peur et sans douleur, dans des combats au corps à corps et leur rôle était généralement de partir en première ligne pour effayer l’adversaire. Ça, c’est seulement pour l’anecdote. Mais c’est un peu l’état d’esprit dans lequel je me trouve lorsque je pense à ce qui se passe alentour et qui reste le principal moteur de ma démotivation à l’égard de la blogosphère. L’envie de bloguer s’est étrangement dissipée et l’envie de lire d’autres blogs ne m’inspire pour l’instant qu’une sorte de répulsion, comme si d’en avoir bouffé pendant presque 4 ans m’avait donné la nausée à la simple évocation du mot. Et ça n’a pas l’air de s’arranger.


Et tout ceci n’est pas forcément innocent. J’ai lu un billet récent de mon ami Benoit dans lequel il parle du survol.

Parfois, je me dis que la seule façon d’espérer lancer une discussion est de carrément le dire d’entrée de jeu, poser une question. Parce qu’il me semble qu’il y a beaucoup de survols, mais peu d’arrêts prolongés, assez prolongés pour prendre le temps de discuter. On survole beaucoup la blogosphère…

Tout est dit, et après avoir lu ces mots hier soir, j’ai grandement cogité sur ce qu’était réellement l’acte de bloguer et décidément, je me dis que dès lors qu’on a pris le parti de mettre une grande partie de son âme et de son intimité dans une moulinette qui n’a d’autre vocation que d’être publique, on ne peut faire cohabiter certaines choses qui n’ont rien à voir entre elles. L’être est multiple, mais la raison est unique. Un coup d’oeil dans le rétroviseur, et je ne vois derrière moi qu’un écheveau d’idées et un cimetière de blogs aussitôt créés, aussitôt abandonnés. Parce qu’il n’y a pas de cohérence. Comment faire cohabiter un billet sur un peintre douanier comme Louis-Marie Faudacq avec une vaste déconnade sur des clés USB en forme de sushis ? Certaines choses sont faites pour être balancées comme des poissons au fond d’une chalut et d’autre mérite respect et attention, à tel point qu’elle ne devrait pas pouvoir être commentée. Aussi, je ne peux plus bloguer dans ces conditions, au même titre que je ne peux pas non plus continuer à cultiver des embryons de blogs sous cette pépinière de brindilles.

La blogosphère en a pris un sacré coup ces derniers temps, mais je resterai. Je serai toujours là, même lorsque tout ceci ne portera plus de nom. Je suis un blogueur ? Mais avant que les blogs n’existent, j’écrivais déjà, j’ai toujours écrit, et j’écrirai toujours, seule la forme changera. Alors oui, pour l’instant, je ne veux pas me forcer, d’autant plus que j’ai pas mal de boulot, de choses en tête et une nouvelle activité qui me prend beaucoup de temps et d’énergie.

Je ne lis plus beaucoup de blogs, et je lis également moins de livres. Mais je trouve dans le repos une sorte d’équilibre, tandis que naguère je trouvais ma force et mon mordant dans cet état d’excitation intellectuelle constant.

Je me sens plutôt bien, je continue à écrire sans me poser de contrainte et je continue mon petit bonhomme de chemin, et plutôt que le guerrier drogué fonçant sur l’ennemi, je deviens comme cette couleur rouge orangé, d’un calme terrifiant. Et de ce calme suspect naîtra certainement une nouvelle forme d’écriture, exit le blog, exit les noms qui sonnent creux, les choses répétitives et les blocs de granite aussi indesctructible que vides de sens.

Lien: Heimskringla/Ynglinga Saga

Encore une rousse

Pour une fois que je trouvais de la place dans le train sur le chemin du retour, il a fallu que je tombe sur la personne qui allait me mettre mal à l’aise. Avec l’intention ferme de poursuivre la lecture de mon bouquin, j’ai été dérangé par la personne qui était assise en face de moi. Je ne l’ai pas regardé tout de suite, mais j’ai vu qu’elle était toute de noir vêtue. Je sentais son regard posé sur moi. J’ai relevé les yeux, et j’ai senti non pas un regard perçant, mais bien plutôt quelque chose de bovin dans ces deux yeux globuleux. Ses cheveux roux, légèrement crépus étaient attachés en queue de cheval, ses yeux avaient cette étrange expression vide et désagréable qu’ont les poissons rouges et tout en elle semblait épais, son nez rond, ses lèvres énormes. Cela détonnait d’autant plus qu’elle était toute fine, toute maigre. Plusieurs fois, j’ai quitté les pages du livre pour voir où on en était, mais rien à faire, elle me fixait bizarrement. J’ai alors remarqué que ses yeux étaient légèrement rougis, et je me suis demandé un instant si elle n’était pas shootée. J’avais rarement vu autant de défauts physiques dans le même visage. Ce regard avait vraiment quelque chose de dérangeant et à tout moment, je m’attendais à voir dépasser un filet de bave d’entre ses lèvres… Flippante à souhait.

Heureusement, elle a fini par s’endormir, me laissant un instant tranquille, jusqu’à ce qu’elle ce qu’elle se lève pour descendre.

Je ne veux pas qu’on me regarde comme ça…

Post-mortem

Pour compléter le billet que j’avais écrit sur le livre des morts, voici de quoi compléter l’information. Sur the Kircher Society, décidément très portée sur la chose, on peut trouver de nouveaux liens à propos des photos post-mortem de l’époque victorienne. Pratique pas vraiment chrétienne et foncièrement morbide, elle n’en demeure pas moins intéressante. Âmes sensibles s’abstenir.

Liens:

  1. Post-mortem photography
  2. Haunted When It Rains Book of the Dead Victorian Post-Mortem Photography
  3. MOURNING AND FUNERAL USAGES (Victorian Etiquette for Funerals)
  4. Postmortem – 1: done, occuring, or collected after death.

Melungeons

A la lecture du livre de Bryson, Motel Blues, il est apparu un chapitre sur un aspect particulier des Etats-Unis ; l’existence d’une communauté (plus que d’une ethnie) répondant au nom de Melungeons. Lorsque Bryson passe dans le Tennessee, il parle de cette communauté installée dans les Appalaches, et d’un article que lui a confié son collègue Peter Dunne, paru dans les pages du Sunday Times Magazine. Il y parle d’un groupe de 115 colons anglais qui quittèrent Plymouth en 1587 pour s’installer sur l’île de Roanoke. Deux ans plus tard, une autre expédition tenta de rejoindre la communauté installée, mais ils n’y trouvèrent personne et on ne retrouva jamais leur trace. Un demi-siècle plus tard, des explorateurs partis dans les Appalaches découvrirent une communauté d’Indiens Cherokee qui leur parlèrent d’un groupe établis dans les collines, portant vêtements et barbes et se pliant à un curieux rituel de prière avant de passer à table. Personne ne trouva jamais ces individus, mais au-dessus de la ville de Sneedville sont établis les Melungeons, une ethnie aux yeux bleus et aux cheveux clairs, mais dont la peau est tellement sombre qu’on les a souvent pris pour des noirs. De mémoire d’homme, ils ont toujours été présents dans le Tennessee et une théorie veut que les disparus de Roanoke Island aient migré jusque dans les collines. Aujourd’hui encore, ils vivent à l’écart du reste des Américains, considérés comme des parias, d’étranges créatures venues du fond des âges et ils restent confinés dans une extrême pauvreté. Bryson raconte même qu’un reporter du Times Magazine a été retrouvé mort pour les avoir approché d’un peu trop près.

Je me suis donc intéressé d’un peu plus près à ces Melungeons et voici que je trouve un article prétendant que ce sont des descendants de marins turcs-ottomans, donc d’origine méditerranéenne. Bryson est clair sur le sujet, les Melungeons portent des noms typiquement anglais. L’article en question nous dit aussi que Melungeon viendrait du turc Meluncan, esprit maudit et la photo présente sur l’article relatif sur Wikipedia pourrait effectivement aller dans ce sens. Ce qui m’étonne le plus, c’est que sur toutes les photos que j’ai trouvé sur ce groupe, je n’en ai trouvé aucune montrant un peau noire. Il semblerait toutefois que les origines ethniques soient un mélange de d’Européen, d’Africain sous-saharien, et d’ascendance américaine indigène, mais les plus grandes réserves sont émises en ce qui concerne ces suppositions. Il semblerait toutefois que le groupe Melungeon soit effectivement un groupe d’une extraordinaire diversité, rassemblant les membres de plusieurs ethnies mélangées sur plusieurs dizaines d’années et tire son nom du français Mélange avec un pointe d’accent américain. A la lecture de l’excellent article de Wikipedia, on découvre que les Melungeons ne sont pas des cas isolés sur le territoire Américain, car il existe d’autres ethnies dont les origines restent tout aussi mystérieuses (Brown People du Kentucky, We-Sorts du Maryland, Redbones de Caroline du Sud, etc.).

Le famille Brandy - Melungeons

Liens:

  1. Article Wikipedia
  2. Des Américains au sang turc
  3. Le blog des Melungeons
  4. Redbones & Melungeons
  5. The Appalachian Center
  6. The Melungeons Revisited
  7. Melungeon Heritage Association
  8. Portail des Melungeons
  9. Résultat des analyses ADN

3 pour voir le roi – Magnus Mills

Il est certains romans qui vous laissent pantois. Une couverture, quelques mots volés à la sauvette lors de l’achat, ou de l’emprunt, le nom d’un auteur ou un titre enjôleur et quelque chose se passe. Pourtant, celui-ci, ce n’est même pas moi qui l’ai dégoté. En fait, le livre trainait sur la table de nuit, et puis je me suis dis et merde ! Je n’aime pas les livres abandonnés… Celui-ci devait être lu. Je pense que jamais je ne trouverais de livre dont la couverture correspond autant au texte, ceci grâce à une superbe photo de Joshua Sheldon.

3 pour voir le roi - Magnus Mills

Le livre commence dans un paysage étrange, sableux, une plaine, rien de plus, si ce n’est qu’une étrange petite maison en fer blanc. Ici, nous sommes chez un homme, un solitaire vite rejoint par une femme qui va chambouler sa vie et ses habitudes. On le voit alors se plier à des contraintes qu’il ne connaissait pas jusqu’ici et on voit croit apercevoir une métaphore vive sur l’aliénation de l’homme par la femme. Dans un univers où tous les repères sociaux sont complètement inexistants, on voit finalement s’établir quelque chose qui ressemble à la naissance d’une société, ses injustices, ses jeux d’influence, et ses déceptions. Mais avant tout, c’est une histoire qui parle de charisme et de la quête du bonheur, sans pouvoir vous en dire plus. C’est littéralement une histoire qui ne se raconte pas car jusqu’au bout, personne ne peut voir où nous allons être embarqués. Le désert reste notre seul décor, et le fait de vivre dans une maison en fer blanc est érigé en art, voire en science. Un roman absolument étranger…

En lire plus:

  1. Magnus Mills sur Wikipedia
  2. Une interview sur The Barcelona Review

Ses autres livres:

  1. Retenir les bêtes
  2. Sur le départ

Minimalisme

Je ne sais plus par où commencer. L’impression de redécouvrir Internet et des milliers de choses qui trainent des tous les coins. Tout d’abord, je suis comme tombé en extase devant ces préfabriqués. Inhabitat est un blog spécialisé en architecture, avec une section entière dédiée au préfabriqué.
New Minimalist Houses: Un livre sur les habitations minimalistes par Anja Llorella Oriol chez Collins Design.
Gisue Hariri y Mojgan Hariri: Deux soeurs architectes, Belmont House – Belmont, California
Subtopia: un blog qui se définit lui-même comme A field guide to military urbanism…
Moonriver: Night Traveling, Day Dreaming, while Mapping my Escapisms, Tracing Love
Overshadowed: un traitement de la photo très particulier, des ambiances sombres…

L'écrivain d'Amérique du Nord

Lors de mes lectures d’été, je me suis pris une claque en lisant la préface que Joseph Kessel a écrit pour l’édition française de des souris et des hommes de Steinbeck. J’ai eu tout à coup l’impression de prendre en pleine figure une évidence, des mots simples qui expliquent ce qui m’attirent tant chez ces écrivains américains.

Certains auteurs de l’Amérique du Nord disposent d’un secret impénétrable.

En trois pages, Kessel nous dit ce qu’il en est, nous explique ce secret…

Rouquine

A moitié en train de comater, dans mon monde, dans mes petites choses, petit carnet et petit stylo, monde étriqué que le mien, j’ai manqué de sombrer dans le sommeil alors que j’ai été réveillé par un brouhaha de gonzesses en chaleur qui ont déboulé dans le wagon. Les lycéennes, quand on les lâche dans les transports, ça fait un boucan du tonnerre de Dieu, une vraie livraison d’oies sauvages. Et que ça pépie et que ça papote dans tous les coins, mais FERMEZ VOS GUEULES BON DIEU, y’a des gens qui vivent leur vie dans le silence, tous les jours que Dieu fait…

Et puis, c’est au milieu de ce joyeux bordel que j’ai remarqué cette grande rouquine. J’ai immédiatement remarqué ses ballerines argentées (merde, mais qui peut porter des trucs pareil) et son jean serré. Enfin quand je dis qu’elle était grande, elle était plus grande que sa greluche de copine. Moche, la copine. La rousse avait de grands yeux, des cheveux coupés au carré et légèrement ondulés, de cette couleur que l’on appelle “blond vénitien”, les pommettes saillantes donnant l’impression qu’elle avait un visage large. Sous son tee-shirt apparaissaient deux petits seins pointus, l’air accueillant.

Lorsque je regarde les cheveux d’une femme, surtout lorsque se dégage d’elle quelque chose de strictement sexuel, je ne peux m’empêcher d’imaginer à quoi peut ressembler son sexe. J’en imagine les poils de la même couleur, un peu plus raide, ou plus fin, bouclés, frisés, longs, taillés courts, rasés, épilés… Que sais-je encore. Rien qu’à la regarder, j’imaginais mes doigts me promener dans une brousse courte, coupée au millimètre, d’un roux plus clair que ses cheveux, de tout petits poils soyeux dans lesquels on a envie de se perdre des heures durant, à fouiller, à humer… J’ai passé une bonne heure à faire tanguer mon regard des pages de mon livre aux formes qui se dessinaient sous son jean…

Et puis je me suis réveillé. Ou alors pas du tout. C’était un rêve ? Ah merde… Vache, il fait chaud dans ce train…

The gate of the hundred sorrows

The gate of the hundred sorrows

Rudyard Kipling fait partie de ces compagnons de route dont on a du mal à se détacher. L’homme aux petites lunettes rondes et à la moustache épaisse était à mes yeux un homme étrange. Imprégné des ambiances des Indes coloniales, il a su extraire l’essence d’un peuple chaleureux et rude au travers d’un recueil de textes fabuleux. Borges disait des Indian Tales qu’ils sont des récits brefs, d’une langue et d’une forme très simples, qu’il (Kipling) rassemblerait dans un recueil en 1890. Beaucoup d’entres eux – In the House of Suddhoo, Beyond the Pale, The Gate of the Hundred Sorrows – sont des chefs-d’oeuvres laconiques.

The gate of the hundred sorrows, que je vous livre aujourd’hui est un peu comme un texte mythique, un de ces rares bijoux, qui, une fois qu’on les détient, font partie de nous-mêmes. Un texte captivant, triste et d’une beauté sans égale.