Photo © Giorgio Raffaelli
Neige en altitude, sur les flancs et les sommets ; et dans la descente des vallées, pierraille grises, étendues vertes, rochers, sapins. L’air était trempé et froid ; l’eau ruisselait le long des rochers et sautait en travers du chemin. Les branches des sapins pendaient lourdement dans l’atmosphère humide. Des nuages passaient dans le ciel, mais tout était d’une densité… puis le brouillard montait, vapeur humide et lourde qui s’insinuait dans l’épaisseur des fourrés, si molle, si flasque.
Lenz est un personnage étrange que j’ai eu l’occasion de rencontrer sous la plume de Deleuze et Guattari dans l’Anti-Œdipe. N’ayant pour habitude de lire des auteurs allemands, je me suis demandé quelle vision déformée je pourrais avoir de cette nouvelle incroyablement riche, écrite pas Georg Büchner d’après une lettre de Johann Friedrich Oberlin, dans laquelle on découvre l’errance d’un jeune homme (Jakob Michael Reinhold Lenz) perdu dans la forêt humide et froide des abords de la frontière franco-allemande. Le récit est, on le sent clairement, écrit d’un seul tenant et m’a laissé sceptique et froid, malgré d’évidentes qualités littéraires.
Finalement, c’est dans la note de Jean-Pierre Lefebvre que je trouve une explication à ce texte à la fois beau et glacial comme une bourrasque de vent neigeux.
L’essentiel demeure cependant l’irruption. Celle d’un homme un beau jour quelque part chez un autre. L’événement du 20 janvier. La date-schibboleth. L’événement qui souvent se présente dans la bouche de l’insensé, ou l’énigme de l’absurde. Les mots de l’insensé comme la majesté de l’absurde doivent être recueillis dans la transparence réelle qu’octroie parfois la nature. Sans fanfreluches poétisantes. Dans cette montagne aride et rude, les toponymes eux-mêmes en disent souvent la rupture, se terminent par bruch, bach, rupt…
“Sans fanfreluches poétisantes” – j’adore cette expression
cet extrait de Lenz me fait penser aux forêts de chez moi 🙂
C’est un très beau passage, le début en fait…