Loti le fantasque, Loti l’excentrique, Loti le fou, disaient certains, celui qui n’hésitait pas à se promener en ville ou sur le port de Paimpol affublé d’un fez et vêtu à la Turc ; Loti a traversé le désert en 1894 en partant d’Egypte pour rejoindre Jérusalem, en passant par les hauteurs du Mont Sinaï. Une équipée terrible s’engouffre entre les falaises de marbre rose et les étendues de sable gris sombre battues par le Khamsin (خمسين) et il en ressort un texte sobre, dépouillé, dans lequel pourtant il nous livre des pages sublimes sur l’un des lieux les plus secrets de la planète : le Monastère Sainte-Catherine – la demeure de la solitude -, siège des reliques de la sainte et du Buisson Ardent, le lieu même où Moïse reçut la parole divine.
A certaines heures du jour ou de la nuit : Pan ! pan ! pan ! Un moine, dans le clocher, frappe avec une mailloche, d’une façon spéciale et bizarrement rythmée, sur une longue pièce de bois qui est là suspendue – morceau de quelque arbre contemporain des empereurs grecs. C’est le synamare, instrument des temps passés, dont l’usage vint aux églises des premiers siècles, quand la tyrannie sarasinne interdisait le branle des cloches. Il a des sonorités sèches, tristes comme un bruit de heurts d’ossements ; et les coups, tantôt séparés, tantôt réunis deux à deux, tantôt lents et tantôt rapides, suivant d’immuables règles âgées de plus de mille ans, semblent un mystérieux langage d’initiés.
A l’appel du synamare, ils sortent, les moines, de leurs petits oratoires, de leurs petites cellules, d’en haut, d’en bas, de tous leurs trous en pisé croulant ; une vingtaine environ, pour la plupart vieux et cassés, avec de longs cheveux blancs, de longues barbes blanches traînant sur des robes noires : ils se dirigent vers l’escalier de la basilique, passent les étonnantes portes de cèdre et entrent à pas lents dans l’incomparable sanctuaire.
Loti chez les moines orthodoxes du Sinaï, c’est une image qui pourrait presque faire sourire.
Photo © cjb22
Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps.
hors toute considération religieuse, ce doit être un lieu magnifique et reposant, où on se ressource au silence des pierres…
A voir dans le prochain numéro 🙂