Lire Strindberg au cœur de l’hiver, c’est une bouffée d’air frais. August Strindberg, que ma joyeuse naïveté avait toujours placé au rang des plus célèbres compositeurs Suédois, comme je viens de l’indiquer, je ne le connaissais pas du tout. C’est collé à la couverture du livre de Sjón que je l’ai trouvé. Sa couverture recouverte d’une peinture de Carl Larsson m’a tout de suite attiré, me rappelant quelque chose de vaguement champêtre et également d’intimement lié à mon enfance.
Outre cela, j’ai découvert un auteur guilleret qui parle de son jardin avec la passion enflammée du connaisseur…
Carl Larsson
Introduire dans son jardin l’automne, les chardons et les mauvaises herbes et ne pas y avoir une seule fleur, c’est aussi aberrant que des buis taillés ou des tilleuls en espalier ! Mais le pire, ce sont ces ficoïdes qui, en pleine canicule, donnent l’illusion de la neige et du givre.
Qui a inventé ces horreurs ? Un ennemi juré des fleurs ? Un jardinier ambitieux qui voulait créer quelque chose de nouveau à n’importe quel prix ? Et comment ce pessimisme a-t-il pu s’imposer ? Y avait-il dans l’air du temps ce penchant pour les souffrances qu’on s’inflige, ou bien s’agissait-il d’une mode qui émergea, prédomina, frappa de paralysie les meilleurs et contraignit même les plus obstinés à se plier ? Allez savoir ! Des vents soufflent de tous les côtés, mais certains ne durent pas longtemps. C’est le cas de celui dont on parle : j’ai vu, avec joie, l’abominable coléus dans le jardinet d’un paysan – dans peu de temps il sera relégué à l’hospice. C’est pourquoi je mise sur le pois de senteur contre l’herbe de la pampa.
Mais on découvre un auteur cynique, qu’on sent à la limite de l’agacement et dans une certaine mesure me fait penser à certains textes de Jonathan Swift. August Strindberg à la pêche…
Cette méthode est d’un bon rapport, mais comme elle se fait à deux, on doit tenir compte des corvées qu’elle implique: le panier à provisions, la bouteille de cognac, la boîte de cigares, sans oublier les disputes. Rien n’est plus incompatible avec une pêche digne de ce nom que la présence de plusieurs personnes dans la même barque, sauf s’il s’agit de mineurs ou de domestiques sur lesquels on exerce une autorité illimitée et qui ne risquent de donner leur avis ni sur l’art de la pêche ni sur le travail du marin.
Carl Larsson
Outre ces moments récréatifs, on y trouve un naturaliste engagé et sûr de son propos. On y trouve quelques approximations scientifiques, mais toujours basées sur une observation très fine de son environnement.
L’évolution n’est peut-être qu’un mouvement vers l’avant ou vers l’arrière, une transformation sans conséquences ? Les lois de la nature ne seraient alors qu’un reflet subjectif de nos cerveaux avides d’ordres qui veulent détecter une détermination dans toute chose.
Je n’ai jamais rien lu d’autre de lui, et en lisant la postface du livre, on découvre que ce livre n’était en quelque sorte rien d’autre qu’une prose alimentaire, mais dont les auteurs avouent que son style y reste égal et toujours d’une grande clarté.
« Pour avoir le temps de traduire les pièces, je dois dès demain commencer un livre de merde sur la pêche à la ligne, la chasse, le jardinage, etc. – une lecture de Noël ! Affreux ! »
Lettre à Edvard Brandes, 4 septembre 1888.
August Strindberg, Mon jardin et autres histoires naturelles
Titre original : Blomstermålningar och djurstycken
Editions Actes Sud, 2005