Fleurs d’ennui* est un livre de Pierre Loti, un recueil dans lequel on trouve cet étrange conte. Un conte mystérieux et sombre dans lequel il nous embarque dans la Kasbah d'Alger, imposante et fière. Elsagarray, Guiaberry, Kerboul et Le Hello sont quatre marins français envoyés par delà la Méditerranée, qui, dans leur dérive nocturne se perdent dans les ruelles tortueuses et parfois illuminées par de discrètes lampes de la vieille forteresse, face à la mer et au port. L’ambiance y est magique et on pourrait presque y entendre la plainte triste d’un oud… Au coeur de la Kasbah, trois femmes sommeillent dans un silence de mort.
Quand elles avaient fini de peindre leur visage de blanc et de rose, et leurs grands yeux de noir et de henné, elles restaient assises par terre, dans une petite cour très profonde, où régnaient un silence mystérieux et une fraîcheur souterraine.
Photo © David Wilmot
Nos quatre marins en goguette se saoulent comme des Polonais, tentent de retrouver leur chemin mais se perdent et finissent par être attirés par ces femmes, lesquelles se trouvent ici comme si elles n’avaient fait que les attendre toute la nuit. La femme et ses deux filles les charmeront et au passage les délesteront de quelques dinars, les attirant dans leur antre d’ocre sombre. Contre quelques moments de plaisir, nos marins n’y trouveront qu’un terme tragique avec l’illusion d’une vie d’insouciance…
Ils allaient gaîment, savourant ce bien-être matinal, ne se doutant pas que c’était fini à jamais de leur saine et belle jeunesse, et qu’ils emportaient avec eux dans leur sang de hideux germes de mort…
A l’opposé des Orientalistes, Loti dresse un tableau en demi-teinte et sans exotisme d’une Alger lumineuse et sage, au coeur de laquelle les secrets d’alcôve révèlent parfois toute la noirceur des intentions et l’innocence perdue de femmes livrées à la prostitution.
Au-dessous d’eux la ville arabe, et plus bas la ville chrétienne, s’étaient endormies ; les derniers cris, les derniers chants d’orgie venaient de finir. L’antique Kasbah, protégée par la majesté et les pudeurs de la nuit, redevenait elle-même et se recueillait dans le passé.
* Que l’on peut trouver sur Gallica.
Fabienne et moi avons décidé de vous emmener dans un tour du monde virtuel. Vous pouvez suivre les étapes de ce voyage sur Google Maps (c’est magique !)…
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