Motrice n°16019

La plateforme était envahie du bruit monotone et régulier des roues métalliques sur les rails à grande vitesse – seul – la tête posée contre la vitre qui tremblait – je regardais les tampons exercer leur travail sous la pression du wagon contre la motrice, l’attelage qui grinçait sous le coup de la vitesse – sur les côtés et sous moi le paysage et le ballast défilaient à vive allure me donnant le vertige et exerçant sur mon regard la fascination des instants que je ne peux partager avec personne – en ce moment, toute mon émotion passe par le regard et la vue seule me procure le trop-plein de sensations dont j’ai besoin.

Voyage

Je me mets à rêver des Voyages de Raymond Depardon (éditions Hazan), un livre de photos qui se lit comme un roman – même avec peu de textes – laconiques, jetés là comme pour faire bonne mesure.
L’Afrique au quotidien en tête de livre.
Mon regard vagabonde sur les éclairs laissées comme une route lumineuse par le pantographe sur le caténaire.

Voyage

Je saute quelques pages pour retrouver ces photos d’une femme qu’il a aimé, une femme aux cheveux courts, au visage lisse et fermé. Elle me rappelle quelqu’un – à moins que ce soit moi qui cherche absolument à trouver une ressemblance.

Voyage

Des photos au grain parfait, sensuel, des photos humaines où le cadrage parfait n’est parfois pas tout à fait droit – l’inclusion d’un peu d’humanité de l’autre côté de l’objectif.
Le train continue sa course en cahotant – mon regard reste fixé sur ces numéros peints en blanc sur la tôle rouge vif : 16019.

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