Toujours en devenir

Il y a des moments comme ça dans la vie. On a beau tenter de reprendre pied dans quelque chose de connu, une chienne n’y retrouverait pas ses petits, comme dit l’adage. J’ai beau me planter devant la télévision pour me convaincre que je peux encore apprendre quelque chose qui me soit utile, j’ai du mal à en voir le bout. Que ce soit ce documentaire pas trop mal réalisé sur les vices de la contrefaçon sur le marché de l’art chinois, qui ne fait que nous dire ce que le monde dans sa totalité ne cesse de nous répéter en ces temps étranges eux-mêmes contrefaits, ou que ce soit un débat houleux entre Daniel Cohn-Bendit, Dany le rouge devenu vert, tantôt Allemand, tantôt Français (on n’est pas à une contradiction près, et mieux, on la cultive) et Eric Zemmour, je l’aime bien ce Zemmour qui ressemble tellement à un pote de lycée, même s’il est de droite et qu’il écrit pour le Figaro, il a le mérite d’assumer intelligemment des idées réactionnaires absurdes (un ancêtre né il n’y a pas si longtemps que ça), avec tout l’aplomb dont est capable un journaliste professionnel (lui faire lire, ainsi qu’à Eric Naulleau (tiens, il est né à Baden-Baden) les confessions mégalomaniaques et profondément inintéressantes de Christopher Ciccone (le frère de Madonna), cela tenait du non-sens – au moins la harangue – même injustifiée – contre Lucia Extebarria avait quelque chose de “panachée’) – stop, me faire penser à arrêter d’imbriquer les parenthèses. Bref, tout ceci pour dire que j’ai recommencé à regarder la télé, sans grande conviction, en me contentant du bouquet hertzien traditionnel – et où on se rend compte que la télévision par ADSL ne fait que brouiller l’offre – 250 chaînes me dit Free (appelez le 1044) ! Waow, mais parmi cet amas de chaînes qui ne méritent même pas d’avoir des parts d’audience, seulement deux ou trois pour apporter du réel contenu. Et encore, pas à toutes les heures du jour et de la nuit.
Voilà, je retombe dans mon travers, critiquer toutes ces choses finit par tomber dans le domaine public ; la contestation compulsive (le parti socialiste français devrait arrêter aussi) devient un poncif sans saveur ; contester, critiquer, haranguer, tout ceci n’a plus d’utilité aujourd’hui – parfois, hier encore, j’entends dire qu’heureusement que Sarkozy est arrivé pour faire des réformes impopulaires, sinon qui ? Ben ouais, je ne sais même plus quoi dire et je me terre dans un silence qui vaut son pesant d’or. Je n’ai plus ce courage là, mais en même temps, je me dis qu’il y a tellement de choses à découvrir dans les parages – ou plutôt dans les environs de la pensée sociale contemporaine – que ça ne vaut même plus la peine de se contenter des quelques carcasses de semblant de culture (de cultures, d’idées, de réflexions) qu’on nous jette en pâture au travers du petit écran. Moi les petits os, ça me reste en travers de la gorge et de toute façon, je n’ai jamais été friand des ortolans, et autres grives.
Aujourd’hui, c’est toujours la littérature qui supporte ma mauvaise humeur sociale. Je me perds dans les frasques de Jay McInerney dans le New-York de Vogue et du glamour très sexandthecityen, ou dans les pages d’une jeune américaine, Julie Otsuka, qui me révèle l’existence de la déportation des familles d’origine japonaise aux USA au lendemain de l’attaque de Pearl Harbour (finalement, Abu Graïb et Guantanamo ne sont que des répliques), ou encore dans les pages rugueuses, profondes et mystiques d’un Théodore Monod qui des années après les méharées, revient sur sa jeunesse empreinte d’une théologie morale radicale dans laquelle toute notion de guerre entre les peuples est évacuée d’emblée. Pour un peu, je deviendrais presque protestant, voire pire ! Croyant !
Est-il possible aujourd’hui de tenir des chroniques qui ne soient pas des copies-carbones de ce qu’est le monde dans sa fausseté et son habileté à perpétrer des crimes de sang à l’encontre du bon-sens ou de la plus élémentaire des authenticités ? C’est la question que je me pose, sans trouver de réponse ni en moi, ni en quoi ce soit parmi tout ce que je peux trouver à proximité. Décidément, trouver sa place est un travail de mineur de fond.
Aujourd’hui, ici n’est plus ma place. J’ai décidé de tirer un trait sur le passé. Mon passé. Ce qui m’est arrivé et que je souhaite ne plus trainer derrière moi comme un batterie de casseroles au lendemain d’un mariage. Tout reconstruire en douceur, prendre le temps, changer de nom, s’en réapproprier d’autres, partir de zéro, pages vides, pages blanches sans rien, sans lignes. C’est tellement jouissif de se dire qu’on a définitivement passé le cap et que la haute-mer nous attend.
PS: dégueulasse ce sandwich à la mortadelle. Pouah….

Jacques-François Fournols

9 Replies to “Toujours en devenir”

  1. L’authenticité n’existe pas, soit, mais il me semble au contraire que c’est une bonne nouvelle. Tant que le manque, le doute, le vide sont là, tout va bien finalement.

    Note pour plus tard : Il a été scientifiquement prouvé qu’il est impossible d’écrire un billet optimiste quand on mange un sandwich à la mortadelle.

  2. On ne repart jamais de zéro, on ne fait jamais table rase. J’ai essayé deux fois dans ma vie, pour diverses raisons choisies ou non, mais on se trimballe toujours, non plus des casseroles à terme, mais de petites timbales qui cliquètent joliment à chaque pas. On ne tire pas un trait sur son passé parce qu’on ne peut pas renoncer à soi-même. On se digère, avec le temps; on se dilue dans le présent. C’est déjà pas si mal. Puis on finit par en être grandi, nourri, digéré. Voire apaisé? Avec le temps…comme dirait le pwête.
    Quoi qu’il en soit, ici ou ailleurs dans ta vraie vie, je te souhaite une belle route et (enfin ?) un peu de sérénité.
    Et franchement, pas la mortadelle. C’est ultra dégueu, la mortadelle, j’ose même pas imaginer ce qu’il y a comme dégoutancetés dedans (oreilles de porc broyées, pis de truie…) Et je ne parle pas des colorants, exhausteurs de goûts et conservateurs…
    Amis de la charcuterie, bonjour !

  3. Romuald, je te dois te faire penser à arrêter d’imbriquer les parenthèses.

    rahlala tous ces pseudo-débats d’idées (je me gausse), cette culture qu’on fait mine d’étaler comme de la confiture trop cuite sur du pain blâfard, ces auteurs qu’on encense comme on enfonce, ces journalistes qui croient faire l’opinion et qui écrivent comme d’autres pètent… vanitas vanitatis

    et ne pas oublier que c’est dans les vieilles casseroles qu’on fait les meilleures soupes.

  4. Rasbaille, si tu passes un jour par Levallois, je te déconseille vivement cette boulangerie, à la sortie du métro Louise Michel. Et puis la mortadelle, à roter, il y a vraiment de quoi faire mourir Adèle.

    FD, ah non je suis pas d’accord avec toi, c’est bon la cochonaille bourdelle ! et puis autant tout recommencer le ventre plein tant qu’à faire.

    Fabienne, nan nan, c’est dans les vieilles soupières, les bien culottées comme de vieilles théières 😉

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