Un empire de poussière II

Voici la suite de “Un empire de poussière“.

Dans cette enveloppe, il découvrit une lettre à l’écriture ronde insérée dans une carte, une icône qui devait parler d’amour. A n’en pas douter, c’était une écriture de femme dans laquelle il pouvait déceler de la fébrilité, quelque chose d’indéfinissablement tendu et surtout, de sensuel. Sans prendre la peine d’en lire le contenu, il monta quatre à quatre les escaliers en bois, frappant les marches avec une telle force qu’il lui sembla faire trembler tout l’immeuble. On aurait dit un gamin à qui l’on a demandé d’attendre d’être dans sa chambre pour ouvrir son cadeau, même si la vraie raison était plutôt d’ordre sentimental; il était pressé de se retrouver seul pour goûter à l’abri des regards indiscrets ce moment qu’il devinait exceptionnel. Une fois la porte de son appartement claquée, ses affaires jetées sur le canapé, il s’assit sur sa veste et lut sa lettre. Elle lui était indiscutablement adressée :

Romuald*,
Tu es doué, tu sais. Cette lettre est pleine de raisons, mais je ne t’en dirai pas plus. Tout ceci est assez troublant, préviens-moi lorsqu’il faut que je m’arrête. Je t’ai écrit plein de lettres que je ne t’ai pas encore envoyé, mais à présent, il faut que je te laisse, car tout ceci m’agite profondément. C’est un vrai plaisir de t’écrire mais il est nécessaire à présent que je prenne le large. Je ne sais pas très bien ce qui m’arrive sinon que tu as ouvert, bien malgré toi un tiroir que j’avais pris soin de fermer à double tour : je suis séduite de manière fulgurante, alors même que je ne te connais pas, ou si peu. Je perds pied, et c’est redoutable… Alors voilà, tout va revenir dans l’ordre, je te rassure, il faut juste que je ne t’écrive plus.
Je te souhaite une très bonne continuation Romuald, et j’espère que je ne t’ai pas trop ennuyé avec cette drôle de révélation. Enfin, je te remercie pour ta compréhension et ta grande discrétion.

Il lut la lettre, encore et encore, avec des yeux ronds comme des billes en se demandant ce qui se passait. Il se demanda qui pouvait être cette inconnue qui venait de lui ouvrir son coeur de manière aussi précipitée et ce qui lui parut étrange par-dessus tout, c’est que tout ceci ne correspondait pas à lui en tant que personne, mais uniquement à ce qu’il écrivait. Elle était venue à lui sur la simple base de ce qu’il avait écrit, et l’image qu’il avait réussi à véhiculer au travers de son oeuvre.

Les quelques jours qu’il vécut ensuite étaient perturbés par l’arrivée de cette lettre. Il passa de longues journées assis sans rien faire, à penser à elle dont il ne savait rien.

Ses nuits étaient agitées, secouées par des rêves inattendus. Au petit matin, il lui sembla même qu’il portait sur lui l’odeur charnelle de cette femme, un parfum boisé qu’il se plaisait à imaginer.

Il n’eut plus aucune nouvelle pendant deux bonnes semaines. Jusqu’au jour où il reçut une seconde lettre.

girl in the wind

* Toute ressemblance avec des personnes existants ou ayant existé ne serait que pur hasard, cela va de soi.

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