Un petit théâtre de marionnettes

Samedi, c’était jour de fête. Pour mon fils, première kermesse, première invitation pour un anniversaire – chez une fille !! -, premières fois tendres et joyeuses, toute une semaine ressassées en demandant à l’envi combien de dodos il reste… A l’école le matin, pas de coup de main, l’effervescence, la joie et les rires, des enfants surexcités qui courent dans tous les sens et comme rarement, les parents, les mères et les pères, grand-pères et grand-mères, amis, oncles et tantes et toute la famille si possible, ou alors en comité restreint, appareils photos et caméscopes de prix en bandoulière, la bonne occasion pour faire étalage de ses richesses ou de son expertise en matière d’image, c’est selon si l’on a encore quelque chose à prouver.

Avant de commencer les hostilités, chamboule-tout, jeu de fléchettes de mousse, pêche au canard – des activités très barbares somme toute – les enfants vont présenter le spectacle qu’ils ont mis tant de coeur à préparer et au milieu de la cour coule une rivière ils se mettent à chanter et à danser en rond, frappent des mains, sautent en rond, comme des grenouilles dans un ruisseau, jusqu’à temps que la vedette ne leur soit ravie par une jeune institutrice moulée dans un pantalon en toile, une toute jeune fille blonde au visage d’ange qui, prenant une pose suggestive involontaire l’espace de quelques secondes alors qu’elle était assise par terre pour s’occuper d’un geignard récalcitrant, fit certainement détourner quelques regards lubriques – j’extrapole – en tout cas, cela ne m’a pas échappé.

Le spectacle terminé, les activités sont ouvertes et c’est dans un joyeux concert de boites métalliques dégringolantes, de cris et de rires d’enfants déchaînés que le petit théâtre de marionnettes commence, et c’est ici que j’endosse mon costume de scrutateur des rapports humains et des relations sociales. On y voit des couples affairés à distribuer les tickets à leurs enfants, celui-ci en poussette, l’autre trop grand pour ce genre d’idioties fait la gueule dans son coin, un père absent, le regard vide, une mère qui regarde avec dépit son fils projeter de la sciure de bois partout dans la cour telle une tempête de neige incongrue, un tonton abruti qui bave en souriant devant son neveu binoclard qui s’évertue à viser une cible avec son pistolet à eau, un couple, certainement trop jeune pour avoir un enfant qui se tripote allègrement – il faut dire que le décolleté de la demoiselle ne faisait rien pour être discret… Que sais-je encore ? J’ai été frappé par tous ces gens leurrés, qui l’espace d’une matinée se fréquentent, se tapent sur l’épaule, se félicitent, s’embrassent, dans un gigantesque jeu de dupes, dans une ambiance bon enfant, entre les merguez grillées et une part de tarte aux pommes à la cannelle, une ambiance fausse où les gens font semblant de ne pas s’ennuyer profondément.

L’après-midi, zouzou était invité à son premier anniversaire – chez une fille, mon Dieu – et nous avons été reçu par un couple dissonant, un colosse de deux mètres dépassant largement le quintal et une crevette tout de blanc vêtue – surtout ce pantalon de lin transparent, laissant deviner un brésilien de dentelles, hem… C’est étrange cet empressement avec lequel ils ont avoué que l’année prochaine, il n’y aura pas d’anniversaire, car “nous allons habiter dans le sud-ouest…“. Hmmm, super, alors bon vent…

Un peu plus tard, au parc, sous le soleil de 18h30, après avoir couru avec mon fils, hilare et qui pour la première fois jouait avec son pistolet à eau – prêté de bonne grâce au jeu du papa arrosé – je me suis allongé au pied d’un grand thuya à la ramure courbée – quand on ne leur ratiboise pas la gueule, les thuyas peuvent mesurer plus de trente mètres – et j’ai repensé avec une certaine méfiance teintée d’ironie bienveillante, à tous ces gens aux allures factices, à ce petit théâtre ridicule des maris – pas forcément honnêtes – et d’épouses aux yeux tristes…

4 Replies to “Un petit théâtre de marionnettes”

  1. L’autre jour, tu disais être déçu par le peu de commentaires que suscitent les billets sérieux. Je ne sais pas si tu classe celui-ci parmi ceux-là, mais en te lisant je me demandait ce qu’on pouvait bien ajouter à une description aussi fine du monde des “parents”, fait de rencontre (forcément) non souhaitées, carte scolaire oblige (mais rassurons-nous y’en a plus pour très longtemps…), aussi directes que brutales, comme si on partageait obligatoirement quelque chose parce que l’on a tous enfanté. La réponse est non, je ne vois vraiment rien à ajouter !

    PS: Décidément je suis en veine de réflexion en ce moment (c’est pas souvent 😉 ) et je me disais aussi qu’un commentaire suppose à priori d’être court, plus court que le billet qu’il commente, non ? enfin c’est mon impression, et du coup je trouve l’exercice difficile : répondre à un billet sérieux en quelques phrases… sans être ennuyeux, ce que j’ai bien peur de ne pas avoir réussi à faire, ici. Ça doit être ça mon rôle ; l’ennuyeur…

  2. Fabienne, spa faux, mais épousonnettes, c’est moins joli que marionnettes 😀
    Lorran, pfff, ça va pas de faire commentaires si longs ? 😉 Je ne serai pas fâché contre si les commentaires étaient aussi longs que les billets eux mêmes. Au contraire, ça voudrait dire que ça entraine une discussion non ? Et puis je te remercie pour le compliment.

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