En 1839, Léonie a 19 ans. Il est à peu près certain qu’elle est la première Européenne à aborder la Laponie. Quelques années plus tard, elle affrontera des péripéties autrement périlleuses pour une femme. Elle sera surprise en flagrant délit d’adultère avec Victor Hugo. Vilipendée dans la presse, elle sera même incarcérée à Saint-Lazare, avant d’être bouclée dans un couvent pour trois mois. La mésaventure du pair de France mis fort en émoi son collègue Lamartine : “L’aventure de mon pauvre ami Hugo me désole… Ce qui doit être navrant pour lui, c’est de sentir cette pauvre femme en prison, pendant qu’il est libre.” Pas un mot sur les affres de Léonie qui n’est pas femme à baisser les bras en pareille adversité. Tout le monde lui tourne le dos. Elle est sans le sou. Qu’à cela ne tienne, elle gagnera sa vie en publiant en 1854, Voyage d’une femme au Spitzberg. Le succès est au rendez-vous. Elle est devenue une femme libre qui va continuer de publier avec un talent certain. Les méchantes langues diront, à tort, que c’est Victor Hugo qui tient la plume… Il faut dire que Léonie, de grande beauté, audacieuse à l’extrëme, pas gênée de cocufier son mari, portraitiste à la cour de Louis-Philippe, avec une gloire nationale, prêtait son admirable flanc à la critique bigote de ces temps-là. Et si ces beaux hypocrites avaient pu lire ce qui lui écrivit l’ardent Victor, ils auraient avalé de travers leur digne salive : “Vois-tu dans les moments où je pénètre dans toi, où nous sommes moralement et physiquement, tellement mêlés… nous ne sommes plus en réalité… qu’un seul corps, qu’une seule âme, dans ces moments-là, je voudrais mourir.”
Françoise Benassis, in Le goût du désert, Petit Mercure