Il fait lourd. Une énorme chape de béton au-dessus de la tête. D’un gris sombre et menaçant.
Je n’ai pas réussi à me plonger dans mon livre. Quelque chose me retenait. Une sombre pensée. Les vitres sales. Mal assis. L’esprit qui vagabonde. Lorsque je sors de la gare, quelques gouttes fines et sans conséquences me tombent dessus. Il fait chaud.
Je fais prendre le bain à mon fils et je m’assieds à côté de lui, mais je ne suis pas vraiment là. Je le regarde, ses petites joues roses et ses cheveux mouillés en bataille. Le menton posé dans le creux de la main, je regarde le carrelage derrière lui. Je ne pense plus. Fatigué.
Et puis je vais chercher une pizza au camion de Giovanni. Il a allumé la lumière dans le camion, les jours raccourcissent. Je lui dis bonjour, il ne me regarde même pas, occupé à enfourner sa pizza, ma pizza. On parle du temps, ouais, c’est moche, le mois de septembre sera beau. Ouais, j’y crois pas. Pavaroti est mort. Merde. De toute façon, j’aime pas les ténors. Ah.
Et puis on revient sur les vacances. Je lui sort tout ce que je lui ai dit la semaine dernière. Je vois dans ses yeux qu’il s’en souvient, finalement. Des tourbillons de fromage râpé sont accrochés aux poils de son bras.
Je ne suis pas là. J’attends ma pizza. Je paie. Allez Giovanni, à la prochaine, c’est ça, à la prochaine.
Je marche doucement, je pense à un truc et puis non, je ne pense pas en fait. J’ai mal.
Lundi, j’aurais 33 ans. C’est chouette non ? Je ne sais pas pourquoi, mais tout à coup, lorsque j’y pense, ça me fait encore plus mal.
C’est un peu comme si j’avais glissé mes doigts dans le chambranle de la porte et que je l’avais refermée très fort. Je me suis fait mal tout seul. C’est certainement que je l’ai mérité. Je ne sais pas. J’ai mal. Je souffle sur mes doigts, comme si tout ça était vrai. J’ai l’impression de dormir, que ce n’est pas vraiment moi qui suis là, mais l’image de moi dans un rêve.
Je pensais… je pensais… rien du tout. J’ai dû mal penser. Ces histoires d’écritures, de destin, tout ceci n’est que foutaise, ça n’a pas de sens. Je me mets une claque dans l’escalier. Et puis je souris, d’un de ces sourires malsains, de résignation.
On ne m’y reprendra pas.
10 Replies to “Les doigts dans la porte”
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ouais, les doigts dans la porte, la tête contre la poutre, le chewing gum dans les cheveux, l’orteil contre le pied du lit, le sparadrap sur la plaie vive, la boucle d’oreille arrachée, la langue collée sur le glaçon, tout ça, ça fait mal, c’est moche.
la pizza était bonne, au moins ?
On en reparlera quand tu auras 43 ans (rien que de le dire, ça fait mal à la bite !)
Fabienne, ouais, un peu sèche et bourrative, elle m’est restée sur l’estomac.
reflexvital, et pas que là, ça fait mal partout…
toujours envie de suivre jesus?
Arf, à part devenir moine, je ne vois pas ce que je pourrais faire d’intelligent…
suivre tes instincts, faire de belles photos, écrire, crier, balancer des trucs contre un mur, t’aérer la tête, écouter le chant des vagues, respirer l’odeur du sable, laisser transpirer ta colère, et toujours toujours continuer d’exprimer ton talent et ton imagination…
parce que la bure en lin, ça gratte la peau, t’aurais des rougeurs et tout
ben pour ce qui est d’intelligent t’es déja sur la bonne voie non?
Fabienne, mais c’est mon quotidien ça ? Pour le lin, c’est agréable quand il fait chaud, un peu light pour l’hiver et les courants d’air d’une geôle de pierre.
NDJ, ben je sais pas, c’est pas à moi de dire. Et puis je préfère la sensation à l’intelligence, c’est plus ma voie.
C’est marrant dans les ads Google, il y a “moulure porte” et “Porte Jarretelles”, comme quoi tout ceci prend une tournure étrange parfois.
tiens moi j’ai : “baignoires à porte” et “portes industrielles” – un peu moins glamour 🙂
Et tu imagines ?
des “baignoires à portes industrielles…”