Nocturne Indien à Paris

Parti à la recherche d’un Paris en plein automne, en fin d’après-midi, je ne me doutais pas que j’allais vivre une expérience si riche. Tandis que sur les quais de Seine, en arrivant à proximité de l’hôpital Beaujon, le soleil doré illuminait une rangée de marronniers plantés le long de la route, nous roulons tranquillement vers le nord de Paris, rue Ordener, puis rue Custine, en passant du côté de l’escarpée rue du Mont-Cenis et ses escaliers qui ont fait la réputation de Paris au travers de certaines photos. Au coucher du jour, une lumière argentée illumine les rues qui s’éclairent. Rue André del Sarte, Ronsard et Charles Nodier autour du Marché Saint-Pierre, zouzou qui dort profondément à l’arrière, tandis que je regarde les passants qui ont l’air heureux dans ces rues grouillantes.

Excursion dans les temples de la couture et du tissu que sont Reine, Dreyfus et Moline, dans ces magasins où il faut passer par un vendeur qui établit un ticket sur une souche de billets de tombola et passer par la caisse avec avant de récupérer sa marchandise.

Nous reprenons la voiture pour aller vers la Gare du Nord et nous nous garons derrière l’hôpital Fernand Wydal, où se trouve une espèce de grande résidence, au pied de Notre Dame d’Egypte, une petite église copte. Et nous entrons dans une supérette, Exotic Market, où les odeurs d’épices nous chatouillent et la musique nous met tout de suite dans l’ambiance.

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Dans la rue Cail, nous entrons par un porte qui se situe entre les piliers d’un échafaudage. Des légumes étranges et des odeurs nous attendent dès l’entrée. Ici se trouve une sorte de bazar indien dans lequel on trouve aussi bien des produits que l’on trouve dans n’importe quel supermarché, mais tout un fouillis typiquement improbable. Vaisselle en laiton ou en fer blanc, dentifrice ayurvédique, chutneys en pagaille, icônes hindouistes illuminées et kitsch à souhait, tamis en ferraille de récupération, battes de criquet, haricots verts longs d’au moins quarante centimètres, concombres encore plus grands et blancs. Nous nous arrêtons devant une myriade de sachets d’épices et de substances que je connais bien. Camphre, charbon, alun, benzoin. Un peu perdu tout de même, un commis s’approche et nous dit dans une langue inconnue un mot impossible.

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Je lui demande s’il parle anglais, mais il me réponds “No inegliss”, et là je me dis que la rigolade va pouvoir commencer. Il appelle un de ses collègues qui arrive tout guilleret et il me demande en anglais si je parle “inegliss”. Nous commençons alors à parler, je lui demande s’il a du charbon pour bruler le camphre.

– Coal ? Charcoal ? Ah ! Sarkol ! Ti bèrne Kamfo ! Oui voilà, on y est. Si si !! Iritize ! éne you ték benzoin to put on zé Sarkol, you bulne it tou mék smoke.
– Yes but, do you have Camphor ?
– Yesss but no nide… You yék benzoin to put on zé Sarkol, you bulne it tou mék smoke.
– Yes but ordinarily I make burn camphor on the charcoal, we don’t know benzoin.
– Note nississali… And so on.

Il n’arrivait pas à comprendre qu’on puisse faire bruler uniquement du camphre sur du charbon pour se dégager les bronches, mais parce que ces ustensiles sont généralement destinés à être utilisés dans les temples pour les bénédictions. En tout cas, nous nous sommes quittés avec le sourire avec force remerciements.

Nous avons navigué parmi une foule hétéroclites aux visages souriants. Je ne sais pas quelle est l’origine majoritaire ici, hindustani, kashmiri, tamoule, bengali… Quoi qu’il en soit, on se sent bien, en sécurité, et complètement dépaysé.

Ici, une femme a l’air de s’ennuyer ferme derrière un guichet de change. Là, d’énormes crabes tachetés et des poissons bleus reposent sur l’étal d’un poissonnier. Des légumes étranges, gros et plats, longs, des sachets de purée de pois-chiches et d’oignons frits, ici tout semble étranger.

Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons dans un café qui vend également des pâtisseries, que nous avons pris pour de la pâte d’amande. Le serveur adorable, a même donné trois petits cubes de pâte jaune gratuitement à zouzou. Les autres n’étaient pas vraiment bons, sentaient le rance et seuls ces cubes de semoule et de pâte d’ananas. Sur les vitres de plusieurs échoppes, des motifs compliqués sont dessinés avec une pâte dorée.

En plein coeur de Paris, une petite ville qui ressemble peut-être à Bengalore ou à Dehli.

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