Confessions of a burning man

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Il y a quelque chose de fascinant dans cet événement planté en plein milieu du désert, qui part aussi vite qu’il arrive, telle une tempête de sable ne laissant rien d’autre sur son passage que la poussière. Le Burning Man me fascine, et je remercie Pierre-Olivier Labbe de me l’avoir fait découvrir, ainsi que Fabienne de m’avoir fait découvrir Darkhorse. L’univers du Burning Man, c’est une sorte de joyeuse fête hippie poussiéreuse, à mi chemin entre manifestation carnavalesque et manifeste mad maxo Priscillien, et foncièrement décalée avec les icônes polies d’une Amérique qui sourit de toutes ses dents blanches, sans pour autant se montrer dramatico-lyrique, en montrant un visage souriant et joyeux. La notion d’éphémère rend tout ceci inconstant et fragile.
Le burning man, je viens de le découvrir, a fait l’objet d’un documentaire: Confessions of a burning man, dont la musique donne le ton, une musique sensuelle et suave qui nous transporte dans un univers inconnu.

[audio:http://theswedishparrot.com/ftp/Crash_and_Burn_Intro.mp3]

Quelques morceaux de Darkhorse sont disponibles à l’écoute chez Napster, et pour les acheter il faudra passer par Three Sixty Records, un label électro dans lequel on pourra trouver des petites pépites telles que Sr Mandrill ou James Bernard.
Par ailleurs, je ne saurais trop conseiller la lecture du fabuleux livre de Magnus Mills, 3 pour voir le roi, lequel nous plonge dans cette ambiance un peu baba en plein milieu du désert.
Visions multiples du Burning Man en vidéo.
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Post-modernisme et histoire

Drugs

Day off #1 + Day off #2 + Day off #3 + Day off #4

Nous ne connaissons qu’une seule science, celle de l’histoire. L’histoire peut être examinée sous deux aspects. On peut la scinder en histoire de la nature et histoire des hommes. Les deux aspects cependant ne sont pas séparables ; aussi longtemps qu’existent des hommes, leur histoire et celle de la nature se conditionnent réciproquement. L’histoire de la nature, ce qu’on désigne par science de la nature, ne nous intéresse pas ici ; par contre, il nous faudra nous occuper en détail de l’histoire des hommes : en effet, presque toute l’idéologie se réduit ou bien à une conception fausse de cette histoire, ou bien à en faire totalement abstraction. L’idéologie elle-même n’est qu’un des aspects de cette histoire.

Karl Marx & Friedrich Engels
L’idéologie allemande

La rhétorique de la seconde néo-avant-garde est plus situationniste que située et fait écho aux déclarations visionnaires et souvent machistes des modernistes. Notre époque est dépourvue d’un sentiment d’imminence de la révolution ; elle a été suffisamment tancée par les critiques que les féministes adressent au langage révolutionnaire et par les arguments post-coloniaux ; elle a été suffisamment mise en garde conte le caractère exclusif non seulement des institutions artistiques, mais aussi des discours critiques.
L’art postmoderniste est allégorique non seulement pour sa prédilection pour les espaces en ruines et les images fragmentaires (comme lorsqu’il s’approprie des fragments tant de l’histoire de l’art que des mass média) , mais surtout pour son besoin impulsif de bouleverser les normes stylistiques, de redéfinir les catégories conceptuelles, de remettre en question l’idéal moderniste de la totalité symbolique – bref, par son désir d’exploiter l’écart entre le signifiant et le signifié.

Hal Foster
Le retour du réel

Citations en exergue du livre de Jordi Vidal,
Servitude et simulacre en temps réel et flux constant

Less than zero, Bret Easton Ellis

Je ne comprenais pas trop pourquoi on faisait tout un foin autour de cet auteur apparu au début des années 80, et surtout, je ne comprenais qu’on le considère comme un des plus grands écrivains des temps modernes et pourquoi on le comparait tant aux auteurs de la Beat Generation. Désormais, après avoir terminé Less than zero son premier roman que je me ferai un plaisir de lire dans le texte, je comprends un peu mieux. Tout l’art de Bret Easton Ellis tient dans son style. L’histoire, après tout, on s’en tape, elle est récursive, on tourne en rond, on n’avance pas beaucoup pendant les trois quarts du bouquin, mais ce n’est pas grave, le style nous entraîne jusqu’au bout, il nous tient en haleine avec ses phrases courtes, ses transitions simples, ses petits paragraphes ; on passe du dialogue à un style direct au présent, dans une narration impeccable, les phrases sont courtes mais il s’y passe beaucoup de choses.
Même les dialogues hachés sont généralement introduits par le narrateur lui-même, ce qui donne au texte une force incroyable. Un style pour le moins lumineux. Continue reading “Less than zero, Bret Easton Ellis”

Node™ n°3

Pour commencer, je suis allé faire un tour du côté de chez Google Books sur les conseils de Manue, parce qu’il parait – enfin, non, c’est vrai – qu’à présent on peut citer des extraits de livre et les faire s’afficher dans un page en HTML, sous forme de texte ou d’image, ce qui ne manque pas de charme – je pense notamment aux oeuvres de Humboldt que j’adore compulser sur le site ou cette étrange lettre sur l’invention de la boussole. Continue reading “Node™ n°3”

Les doigts dans la porte

Highway

Il fait lourd. Une énorme chape de béton au-dessus de la tête. D’un gris sombre et menaçant.
Je n’ai pas réussi à me plonger dans mon livre. Quelque chose me retenait. Une sombre pensée. Les vitres sales. Mal assis. L’esprit qui vagabonde. Lorsque je sors de la gare, quelques gouttes fines et sans conséquences me tombent dessus. Il fait chaud.
Je fais prendre le bain à mon fils et je m’assieds à côté de lui, mais je ne suis pas vraiment là. Je le regarde, ses petites joues roses et ses cheveux mouillés en bataille. Le menton posé dans le creux de la main, je regarde le carrelage derrière lui. Je ne pense plus. Fatigué. Continue reading “Les doigts dans la porte”

Delerm du temps

Delerm est une feignasse. Il écrit un livre de 94 pages tous les cinq ans. Le genre de livre qu’on ne met pas plus d’une semaine à écrire tant les pages sont aérées, traversées par d’immenses courants d’air typographiques. Aussi, je me dis que quand on ne fait que ça de sa vie, quand on a tout son temps pour écrire, peut-être peut-on se fouler un peu plus. Je m’étais mis dans l’idée de ne lire pendant une certaine période que des petits livres, voire des fascicules. M’en voilà revenu. Delerm est une feignasse, je répète, d’une flemme molle et d’une écriture qui l’est tout autant. C’est un livre sur les petits riens (Enregistrements pirates) sur tous ces signes qui font sens, volés à la vie du quotidien. C’est mou et sans difficulté, et sans beaucoup d’émotions non plus, rien n’accroche. Parfois, on éprouve un soubresaut, mais ça ne dure pas, ce n’est pas non plus une révolution. C’est dommage parce que ça commençait bien avec cette femme qui promène son chien, les mains dans les poches. Continue reading “Delerm du temps”

Pétasse

Construit sur le latin pedere, péter. Dans sa préhistoire, cette injure s’adressait à une femme que l’on cherche à déconsidérer en l’assimilant à une prostituée ; aujourd’hui, “une pétasse” désigne de manière plus vague une femme dont le comportement et la faculté de raisonnement paraissent dignes de mépris.

Variantes: grognasse, pouffiasse, roulure.

Registre courant: idiote, femme de mauvaise vie.
Registre soutenu: sirène de fond, Vénus de grande surface.

Si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à vous procurer le petit livre des gros mots, écrit joyeusement par le professeur de lettres modernes Gilles Guilleron, le tout pour la modique somme de 2.90€. Je vous rassure, les représentants de la gent masculine en prennent tout autant pour leur grade. Rien de tel pour passer un bon moment dans les transports en commun en souriant bêtement.

Comme le dit l’auteur dire un gros mot contient un certaine charge émotive libératoire. Faites le test vous-même en disant “maison de tolérance, matière fécale” puis “bordel de merde”. Ben oui, ça change tout.

Etranger dans son propre pays

Mes lectures d’été m’ont conduit à prendre un peu de distance avec légèreté en lisant un livre dont je savais pertinemment qu’il ne me ferait pas de noeuds au cerveau tout en me laissant à la fin de la lecture, moins idiot que je ne l’étais au départ. Après la lecture de Motel Blues, je me doutais que lire American Rigolos* de Bill Bryson ne me décevrait pas.

Photo © Kodama

Bryson, né Américain, revient aux Etats-Unis après avoir passé 20 ans de sa vie dans la campagne anglaise. Personne mieux que lui ne peut décrire avec autant d’impartialité son pays dans ses travers comme dans ses qualités puisque c’est son pays, un pays étrange qui a changé pendant ces 20 ans d’absence, et dans lequel il se sent parfois étranger. En 1996, un ami journaliste lui demande d’écrire des petites chroniques sur la vie aux USA, chroniques destinées à être publiées au Royaume-Uni, et au bout du compte, ce sont 75 pièces des trois ou quatre pages chacune, bourrées d’un humour tendre et tout britannique, nous apprenant ce que sont les Etats-Unis dans toute leur absurdité. Il m’avait fait hurler de rire dans Motel Blues, il m’a attendri, fait peur et fait rire aux larmes dans celui-ci. Mais sous l’humour se cache aussi l’énergie feutrée du désespoir et l’angoisse de vivre dans un pays qui semble avoir perdu la raison.

Mes concitoyens se sont si bien accoutumés aux progrès constants de la technologie que dans les années soixante ils en sont arrivés à imaginer que les machines devraient tout faire à leur place.
Je me rappelle avec précision le jour où j’ai compris que ce n’était pas forcément une très bonne idée. En 1961 ou 1962, mon père avait reçu pour Noël un couteau électrique, un des premiers modèles, donc un engin assez impressionnant. Peut-être ma mémoire me joue-t-elle des tours, mais il me semble bien le voir en train d’enfiler des gants de chantier et de mettre des lunettes de protection avant de brancher la prise. Une chose est sûre : au moment où il a voulu découper la dinde, celle-ci s’est désintégrée dans un nuage de charpie blanche et la lame a attaqué le plat dans une gerbe d’étincelles bleues. Puis l’appareil a sauté des mains de mon père, traversé la table et disparu de la pièce tel un Gremlin. Je crois qu’on ne l’a jamais revu, mais certains prétendent l’avoir entendu parfois, tard dans la nuit, se cogner contre un pied de table.

L’humour de Bryson contraste terriblement avec celui de ces concitoyens, avec qui il désespère de pouvoir plaisanter. C’en est affligeant:

Tout a commencé de manière très innocente. Peu de temps après notre emménagement, un des arbres de notre voisin est tombé. Un matin, j’ai remarqué qu’il le débitait et en chargeait les morceaux sur la galerie de sa voiture. C’était un arbre très touffu et les branches débordaient largement du toit.
– Et alors ? On essaie de camoufler sa voiture ? lui ai-je lancé, très pince-sans-rire.
Il m’a dévisagé un moment.
– Mais non, pas du tout, m’a-t-il expliqué le plus sérieusement du monde. La tempête de l’autre soir a fait tomber notre arbre et maintenant je dois emmener les branches à la décharge.

Bryson a une explication, que l’on trouve également chez Anne-Marie Schwarzenbach **:

L’ironie est ici le mot clé, bien sûr. Les Américains ne l’emploient pas beaucoup. (Ici je fais de l’ironie : en réalité ils ne l’emploient jamais.) On peut presque s’en réjouir. L’ironie est cousine du cynisme, et le cynisme n’est pas un trait vertueux. Les Américains – pas tous, mais bon nombre d’entre eux – n’aiment ni l’une ni l’autre. Leur attitude dans la vie de tous les jours est confiante, directe et littérale au point d’en être attendrissante. Ils ne s’attendent pas à ce que les conversations dérivent en joutes verbales sophistiquées. Tout écart les déstabilise.

* Le titre original est “I’m a stranger here myself, notes from a big country
** in Loin de New-York