Carnet grenat, juste une bulle

Ce soir, je suis parti du boulot le cœur léger, l’âme en paix, la musique joyeuse. J’ai terminé mon premier carnet grenat et nécessairement tout de suite commencé un autre.

Rien ne distingue un carnet de l’autre. Ils sont identiques en tout, se ressemblent comme deux frères et pourtant, tout les oppose tout le temps, en tout temps et partout.

Je n’ai réussi à y mettre dedans que ce que je voulais vraiment dire, débarrassé de toute animosité ou de toute rancœur. Une écriture saine dans un corps sain. Il faut que je dise ces choses que j’ai lues hier soir.

J’ai renoncé à avoir un coin à moi, en ce monde, un home, un foyer, la paix, la fortune. J’ai revêtu la livrée, parfois bien lourde, du vagabond et du sans-patrie.

Isabelle Eberhardt, Mes journaliers
18 janvier 1900

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Pour terminer ce carnet, de manière un peu définitive, et passer au prochain, j’en livre les derniers passages, qui me plaisent énormément.

Le voyage que je fais chaque jour n’est qu’une idiotie. Je n’y vois aucune femme aux mains tatouées de henné, aucune femme ceinte de saris gonflés ou portant sur les hanches un enfant nu et bedonnant. Je n’y vois aucun animal paissant paisiblement sur les bords d’une rivière sédimentaire en crue ou les pieds dans la mangrove comme ce buffle d’eau. Aucun enfant ne me court après pour me réclamer des stylos, me vendre un grigri en papyrus tressé ou me montrant ses moignons ensanglantés pour me soutirer quelques piécettes.

Mon voyage n’est rien de tout cela et ce que j’en attends mille fois plus que du simple exotisme dépaysant, de l’« étranger », c’est pouvoir m’écorcher les genoux, sentir la terre sous mes ongles, me frotter, me racler, me coudre au monde comme si je n’étais qu’une de ses couilles dont on l’aurait privé à l’adolescence, arrachée d’un coup de dents furieux, tranchée au surin au milieu de la nuit.

Et je reste un peu muet…

2 Replies to “Carnet grenat, juste une bulle”

  1. Je te souhaite de connaître la même réussite que celle qu’a connu Pascal Quignard avec ses carnets.

    “Les Petits traités furent longtemps inaccessibles. Commencés en 1977, achevés en 1980, refusés par de nombreux éditeurs, les huit volumes ont attendu 1991 pour paraître dans leur intégralité. C’était à mes yeux une quête mythique. Les Petits traités recueillent les os calcinés dans ce qui reste du feu le plus ancien, prélèvent les taches sur les rideaux de litière, fouillent les crevasses des grottes, surprennent l’énigme du rejet de la lettre z au bout de l’alphabet français, ramassent les peurs dédaignées, la queue de la cédille, les petits doigts qui parlent, la relique de lapensée”. P. Q.

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