Le ciel soudain s’est obscurci, d’une couleur rare, tirant peut-être sur le taupe. Le vent s’est levé, on pouvait sentir d’ici les douces odeurs de terre et de pluie, des odeurs qu’on retrouve dans un verre de vin des plaines du Médoc. Et puis encore après, une couleur violette profonde, ondulant à la surface des nuages, au-delà des trouées de ciel encore un peu bleu ; le ciel s’est zébré de centaines d’éclairs claquant à retardement. Un peu plus tard, tandis que je regardais tranquillement sur mon balcon le spectacle dansant, la colline du fort a été masquée par une brume ou peut-être la pluie au loin, et avançant à grand pas, une grande masse sombre a tout recouvert, jusqu’aux peupliers d’en face.
Un spectacle de fin du monde, la soudaineté qui accule chez soi, et tout se termine en quelques minutes. Le calme revient, tout se passe comme si un gamin venait de faire un sale coup et s’en allait en sifflant, l’air distrait et innocent.
Moka au bar au Bahar café à Tabriz ou sur les bords du lac salé d'Urmia, Daryâcheh-ye Orumiyeh
J’aimerais, l’espace d’une journée, m’extraire complètement du monde. Voici ce que ce midi j’écrivais. J’aimerais connaître cette sensation de connaître le printemps au moment où celui-ci éclot. Je rêve de printemps dans d’autres pays, dans des pays incongrus entre ici et Hokkaido.
Tous les toits dégorgeaient. Dans le caniveau, sous une croûte de neige noire, on percevait un ruissellement cordial et précipité. Le soleil nous chauffait la joue, les peupliers s’étiraient en craquant contre un ciel redevenu léger. Profonde et lente poussée dans les têtes, les os et les cœurs. Les projets prenaient forme. C’était Bahar, le printemps.
Quitter Tabriz in L’usage du monde
Nicolas Bouvier
En quelque sorte, je n’ai rien fait de ces vacances. Mon fils, lui, semble avoir trouvé sa chambre et ses jouets et ne réclame plus la télé. Il a l’air heureux et affiche de temps en temps ce sourire de clown qui m’arrache des sourires à tout bout de champs. Je voulais lire La Voie Cruelle, d’Ella Maillart mais rien. Je n’ai pas avancé d’un poil dans le livre de Kawakami Hiromi, me suis plongé dans l’univers du trait simple de Tanigushi Jirô, dans ces manga sans petit garçon aux jambes propulsées par des réacteurs ou même sans collégiennes en jupettes montrant leur culotte à tous les passants. Non, les manga de Tanigushi sont des histoires simples d’hommes et de femmes qui s’entendent ou qui ne s’entendent pas, de parents qui vivent leur vie de tranquille dans une petite ville de province au nord de Tokyo et du temps qui file tellement qu’on finit par se retrouver à la fin des vacances sans avoir pu faire quoi ce que soit pour changer le cours des choses… En plus, je n’ai rien trouvé de plus drôle que de chopper une saloperie de staphylocoque.
Quand l’autobus de Téhéran n’était pas resté bloqué sur la route et nous apportait quelque chose, nous transportions précieusement cette manne jusqu’à notre gargote du Bazar où les portions de riz brillaient comme neige sous des cages remplies d’oiseaux engourdis par la fumée des pipes et le vapeur des thés. Là seulement, le ventre plein et les mains lavées, nous épelions lentement, sans en perdre une syllabe, ces messages d’un autre monde. J’aurais trouvé ces lectures plus agréables encore si je n’avais pas toujours été le premier à terminer. Thierry recevait de son amie Flo de véritables volumes que, pour tromper ma faim, j’essayais vainement de déchiffrer à l’envers. J’avais des attachements du genre qui n’écrit pas, et j’étais le plus souvent celui qui, retour du guichet, reçoit dans le dos la bonne tape consolatrice.
Tabriz – Azerbâyjân in L’usage du monde
Nicolas Bouvier
Demain, il semblerait que ce soit l’heure du retour, pas très envie. Je n’ai pas l’impression de m’être reposé. Au contraire, je m’imaginerai bien faire une cure de sommeil. Là, tout de suite, je me sens l’âme d’un battant, mais toujours la tête là où il ne faudrait pas. Je ne sais pas si la journée de demain sera vraiment productive.
Je regarde ce lac étrange, le lac Urmia, ou Oroumieh (دریاچه ارومیه Daryâcheh-ye Orumiyeh en Persan, زه ریاچه ی ورمێ en Kurde et ارومیه گولو , ارومیه گولی en Azéri) découvert au hasard tandis que je cherchais sur la carte à quoi pouvait ressembler de loin Tabriz. Un peu plus à l’est de cette grande ville se trouve un lac en forme de haricot de 140 kilomètres sur 55. Lorsqu’on s’en rapproche, on y découvre comme une grosse verrue ; une sorte de volcan au bord du lac salé, profond de seulement 16 mètres au maximum, dans lequel aucun poisson ne peut vivre, et au bord duquel on aimerait pouvoir regarder l’eau couleur de lait. On voit également sur l’image satellite un pont dont il semblerait que la construction ait été reprise après la Révolution et qui, selon l’échelle doit mesurer quelque chose comme 14km. Le lac est lardé de 102 îles, refuges pour de nombreuses espèces endémiques. Le sel y dessine des arabesques lumineuses et on y trouve de drôles d’installations, certainement des marais salants.
Moi qui croyais vivre frugalement, j’avais l’impression que mon bonnet miteux, ma veste râpée, mes bottes beuglaient l’aisance et le ventre plein.
L’usage du monde
Nicolas Bouvier
Voilà, je suis prêt à repartir dans de nouvelles aventures littéraires avec des gens bien. Encore Loti, Bouvier, Hugo Pratt, Ella Maillart et peut-être aussi Walter Scott, un amour de jeunesse. Et puis j’ai rêvé cette nuit, de ce que je pourrais faire avec mes carnets.
You see what I mean – Pourpre
Personnellement, j’ai du mal à savoir exactement à quoi correspond la couleur pourpre du Caire. C’est une des couleurs que j’ai le plus de mal à fixer et à reconnaître. La faute à l’anglais peut-être qui nous induit en erreur avec son purple qui n’a rien à voir avec le pourpre et qui pour le coup correspond au violet “archevêque”. Historiquement, le pourpre vient d’un coquillage, du Murex ou “rocher fascié” et je me souviens d’une anecdote disant que les arabes d’Essaouirah au temps de l’Empire Romain, familier du précieux coquillage en teignait leurs vêtements de tous les jours et lorsque l’Empereur de Rome, l’Imperator, seul habilité à porter le pourpre, vit cette population oser porter les mêmes couleurs que lui, fit massacrer les outranciers.
Lorsque ce n’était pas encore une question de couleur de peau, mais d’habits…
n° 30 Pourpre
Oui, ceci n’a rien à voir avec le Murex, c’est une vulgaire casserole de moules.
Israel philatelic Federation
Une collection superbe. Israel philatelic Federation.
Moka au bar au seuil de la Porte des cent mille peines
Je tente d’y mettre un peu les formes. C’est un jour un peu particulier, comme le sont tous les autres jours. Je me suis réveillé ce matin avec une drôle d’impression, ce genre d’impression qui vous dicte que quelque chose d’important est en train de se passer. Oui, j’ai des envies de voyage, mais je n’ai toujours pas les moyens de voyager, rien de nouveau là-dessous. Lundi, j’ai passé la journée avec Florence et ses enfants, une collègue avec qui je ne travaille plus depuis environ un an et demi et nous avons beaucoup parlé. Le temps a passé vite, j’étais bien avec elle, à ses côtés, une amie, quelqu’un de rare. Elle a la peau bronzée comme si en retournant vivre dans le sud, elle avait repris sa couleur naturelle ; elle revit et porte en elle quelque chose de plus serein qu’autrefois, des histoires personnelles sans doute, des histoires de femme ; elle me demande si elle a grossi. Non, je réponds non même pas par politesse. Elle parle beaucoup Florence, ça m’arrange, je ne suis pas d’un naturel bavard et je ne suis pas fort pour mener une discussion ; je suis peut-être trop impatient pour passer du temps sur un seul sujet. Je ne m’ennuie pourtant pas avec elle. Tout m’est agréable ; le sourire de sa petite fille est un bonheur. Je me rappelle de Florence le jour où elle m’a embauché. Je me rappelle ses lunettes, sa jupe, son air assuré. Une jolie fille. Un sacré bout de femme. Des années après, finalement, rien n’a vraiment changé même si elle vous dira forcément le contraire. Non, rien n’a changé en fait. Si ce n’est qu’aujourd’hui, nous nous parlons, nous nous confessons, elle n’est plus ma responsable mais mon amie. Je veux que les choses restent comme ça.
Un rayon de soleil. Les gouttes de pluie sur les pivoines sont les larmes de joie d’une chair à vif.
Olivier Germain-Thomas, Le Bénarès-Kyôto
[audio:http://theswedishparrot.com/xool/Drut Tintal.xol]
Et puis surtout, si rien n’a vraiment changé, c’est quand même un peu comme si je pouvais voir les mêmes personnages, les mêmes décors, mais comme au travers d’un prisme, ou plutôt, au travers d’un miroir, dans lequel tout à coup on perd ses repères parce qu’on voit tout par symétrie.
De mon côté, je n’arrive pas à éclore. Je me regarde dans le miroir et je n’y vois plus celui que je voyais avant, rien à voir. Même mon regard a changé. Je suis peut-être plus triste non ? Je suis peut-être un peu moins inconstant, plus tourmenté, plus en proie à des impulsions que je ne connais pas, et par transparence, je me découvre également un calme intérieur, une force et une manière de me poser que je ne connais guère plus. C’est très étrange à décrire. C’est comme si je pouvais à la fois sentir le vent dans la plaine et son odeur sur ma peau d’un côté et de l’autre, le silence d’une chaude journée et le soleil au-dessus de la tête de l’autre.
Rien de contradictoire, mais des choses différentes s’imbriquant…
Photo © Mattvn
Je sais, je verse dans le bouddhisme depuis quelques mois, mais rien de dangereux dans tout cela, je ne suis pas dans un schéma qui me dépasserait et quoi qu’il en soit, je ne suis jamais dans la réponse, mais toujours trop dans la question pour me laisser tordre aussi facilement par une religion. Simplement, lorsqu’on découvre le bouddhisme et son pendant animiste japonais, le shintô et que l’on fait connaissance des kami, on a tout à coup envie de se connecter à cette spiritualité qui, une fois passée l’apparente et exotique excentricité, n’est qu’une manière intime de vivre la nature. Ni plus ni moins qu’un autre versant du pythagorisme.
J’ai fait mes premiers pas et je constate avec étonnement qu’après avoir appris mes premiers kanji, mes hiragana et mes katakana, je commence à avoir une compréhension assez intuitive et naturelle du japonais. Je souris à l’idée que ça finisse par rentrer sans trop forcer. Je ne sais pas jusqu’où je pourrais l’apprendre, mais ce qui est certain c’est qu’un jour, je partirai vivre au Japon, qui sait pour combien de temps. Il y a quelques temps encore, je me disais que je passerai un an au Japon. Aujourd’hui, je me dis que j’y finirai certainement mes jours, avec la connaissance intime et respectueuse que j’en ai. Je ne rêve pas d’un Japon à prendre en photo, mais d’un Japon de rencontres, d’hommes et de femmes qui se mettent à parler et d’un Japon encore plein d’esprits malicieux et cruels, où les vieux meurent de l’arthrite des rizières.
A présent, j’ai envie de prendre mon temps, rien ne pourra me retenir.
Je n’ai pas la vie devant moi, j’ai une vie devant moi.
Je suis né voyageur, on m’a fait nomade, je me suis rendu esclave d’une vie que je ne voulais pas. A moi de terminer le travail et de redevenir ce pour quoi je suis fait et destiné.
Certains hommes passent leur vie à détruire ce qu’ils sont pour devenir ce qu’ils auraient dû être.
Ce Français, qui est grand et sec, yeux gris, moustaches, presque blondes, mais petites, ma été amené par les carabiniers. M Raimbeaux n’a pas de passeport et n’a pu me prouver son identité. Les pièces qu’il m’a exhibées sont des procurations passées devant nous avec un S(ieur) Labatut, dont l’intéressé aurait été son fondé de pouvoir. Je vous serais (sic) obligé, Monsieur le Consul, de bien vouloir me renseigner sur cet individu dont les allures sont quelque peu louches.
Tels sont les mots du vice-consul de France en Ethiopie, Alexandre Merciniez, rapportés par Olivier Frebourg in un Homme à la mer (2004, Mercure de France), lorsqu’il interpelle à Massaouah celui qui porte le nom d’Arthur Rimbaud, qui déjà ne vit plus sa vie de poète, mais devient expert en commerce au pays de la Reine de Sabah.
Dis-moi quelles sont tes histoires et tes voyages, je te dirais qui tu pourrais être.
Et puis il y a la beauté de la rencontre, la beauté des autres. La simple altérité, pour le reste on verra plus tard. Chaque chose en son temps.
Je mets ma main sur son ventre. Je respire à son rythme.
– Il faut brûler là où ça brûle.
Elle pose sa tête sur mon épaule.
– Je ne veux pas être aimée pour mon sexe.
– On verra plus tard pour l’amour. Commencez par le feu.Olivier Germain-Thomas, Le Bénarès-Kyôto
Je sais ce que je fais, où je vais, pour une fois. J’aurais pu me dire que je dois partir avec mon appareil photo, mais c’est une contrainte, au delà du fait qu’il faut pour le recharger une source électrique — y a-t-il seulement l’électricité dans les déserts que je traverserai ? — car ce n’est pas simplement l’œil qui voyage, mais l’âme en entier. Il y a quelque chose à attraper, de l’ordre de l’universel.
L’universel n’est pas une illusion ; il est d’approche multiple. Uni à une femme, on peut imaginer avoir intégré son monde. Arrive l’aube…
Encore ceci, avant de revenir aux paysages, je pense maintenant qu’il n’y a pas de « tout autre » dans les cultures, et qu’après avoir gratté les langages, on se trouve devant un homme qui pète et prie, meurt et se ment, court après son ombre.Olivier Germain-Thomas, Le Bénarès-Kyôto
Je sais donc où je vais, je construis une ontologie du raffinement. Je prépare mon voyage, sous quelque forme qu’il existe. Je me prépare au rythme des saisons, je ne veux guère aller plus vite.
Je lui réponds que, du sud au nord, j’ai eu l’occasion d’avancer à la vitesse du printemps et que j’ai pu ainsi constater que l’ordre des saisons était respecté.
Olivier Germain-Thomas, Le Bénarès-Kyôto
Je ne sais si telle sera ma vie, je ne sais pas à quoi elle ressemblera et surtout, je ne sais pas encore où je vais et il est possible que rien au final ne ressemble à ce que j’imagine, mais j’emmènerai dans mon sac le Poisson-Scorpion de Nicolas Bouvier et les Indian Tales de Rudyard Kipling et je finirais peut-être comme le narrateur de cette superbe nouvelle écrite par ce dernier.
Photo © Paco Alcantara
I should like to die like the bazar-woman–on a clean, cool mat with a pipe of good stuff between my lips. When I feel I’m going, I shall ask Tsin-ling for them, and he can draw my sixty rupees a month, fresh and fresh, as long as he pleases, and watch the black and red dragons have their last big fight together; and then..
Rudyard Kipling, The Gate of a Hundred Sorrows
J’aimerais mourir comme la femme du bazar sur une nappe propre, bien fraîche, une pipe de bonne drogue entre les lèvres. Quand je sentirai que je m’en vais, je demanderai cela à Tsin-ling, et il pourra toucher mes soixante roupies, régulièrement, un mois après l’autre, aussi longtemps qu’il lui plaira. Alors je m’étendrai bien tranquille et à l’aise, pour regarder les dragons noirs et rouges combattre ensemble leur dernier grand combat ; puis…
Rudyard Kipling, la Porte des cent mille peines, 1884,
Traduit par Louis Fabulet et Robert d’Humières
Note de bas de page : discrètement, tout doucement, je voulais que ce billet revête une forme particulière parce qu’avec quelques jours d’avance, ce blog fête ses six ans et de plus, c’était le numéro 1500, mine de rien, il lui fallait bien plus de 1500 mots…
Retrouvailles
Etrange coïcidence, je viens de retrouver <a href="http://www generic viagra belgique.routard.com/mag_dossiers/id_dm/5/ordre/3.htm”>Anatomie de l’errance de Bruce Chatwin.
C’est étrange non ? Juste à côté, il y avait deux Corto Maltese. Vraiment étrange.
Errance d'une journée
Prendre le train, pas forcément pour partir loin mais juste le temps d’un trajet pour Paris, à une demi-heure d’ici, comme un jour de travail mais habillé léger, rien dans les poches, juste mon appareil photo et mon carnet dans la poche. Il fait chaud aujourd’hui, je suis seul et je ne sais pas encore ce que je vais faire.
Sur le chemin pour la gare, je trouve une maison détruite, les murs tâchés d’auréoles de colle qui la font ressembler à un maillot du Tour de France. Je suis toujours un peu triste de voir des maisons qu’on fait tomber pour les remplacer par autre chose, car j’imagine ce que peut ressentir une personne qui y a vécu et voit ce spectacle. C’est un peu ce que j’ai ressenti lorsque ma mère a vendu la maison dans laquelle j’ai passé une partie de mon adolescence.
Ce que j’aime dans les paysages ferroviaires, c’est qu’ils ouvrent des lignes de fuite vertigineuse. Deux rails parallèles et c’est tout une perspective qui s’ouvre.
Kappa no Kaikata (Comment élever un kappa)
C’est un peu par hasard qu’avec mon fils nous avons regardé un film d’animation japonais, <a href="http://fr viagra naturel pour homme.wikipedia.org/wiki/Un_%C3%A9t%C3%A9_avec_Coo”>Un été avec Coo (河童のクゥと夏休み, Kappa no ku to natsu yasumi) — que je ne considère pas comme étant un film tout public, même s’il a été présenté au festival de Cannes Junior et que c’est un film réellement intelligent.
Je ne connaissais absolument pas cette créature étrange qu’est le K. Mi-tortue mi démon, il n’a pas très bonne réputation car il est censé dévorer les enfants d’une manière assez singulière. Pour éviter cela, les paysans japonais avaient l’habitude de jeter dans les rivières des concombres dont on le sait friand, pour éviter qu’il ne s’attaque à leur progéniture. Il semble toutefois qu’il y ait un fossé entre le Kappa du folklore et celui du film Coo.
Pour en savoir un peu plus sur le Kappa, Kappa no Kaikata (Comment élever un Kappa ou How to raise a water imp) est une série d’animation de 26 épisodes un peu décalés où un jeune homme sans visage tenter d’élever un kappa trop mignon pour être honnête.
You see what I mean – Détruire
A la simple idée que tout ce qu’on bâtit dans l’intervalle de temps pendant lequel on se trouve sur terre, à l’idée de tout ce qu’on transforme et qu’on a un peu trop tendance à abandonner dès lors que les caractéristiques de la nouveauté ne sont plus là, je me dis souvent que la possession a pour moi quelque chose de répulsif. Je me suis tellement attaché aux choses, je me suis tellement amouraché de petites choses sans intérêt qu’à présent, je n’ai plus d’intérêt à revendiquer la propriété de tout ce qui auparavant faisait mon environnement.
Au fur et à mesure des années, je me suis attelé à me débarrasser de tout le superflu, de tout l’inessentiel, pour ne finalement m’intéresser qu’aux quelques objets qui méritent vraiment qu’on les aime pour leur valeur de rareté, parfois sentimentale. Il y a quelque chose de franciscain en moi, depuis longtemps déjà. Au faste du pouvoir, je préfère la richesse — et parfois l’orgueil — de l’intellect, m’appliquant sérieusement à détruire toute trace de propriété autour de moi.
Là où aimer et détruire n’ont jamais été antinomiques.
n° 29 Détruire
« You see what I mean » comme une affirmation, ou comme une question, une question qui amène une réponse à l’autre bout du monde, ou plutôt deux questions qui interrogent le monde et par lequel on répond avec l’œil du spectateur au travers de l’objectif. C’est le défi auquel nous nous plions Fabienne et moi, une fois par semaine autour d’un thème choisi d’un commun accord. L’orientation choisie, nous nous faisons la surprise de l’image avec notre personnalité, notre regard, notre sensibilité, pour donner naissance à de nouvelles perspectives qui étonneront certainement autant les visiteurs curieux que les auteurs.
Tanka #1
Au-dessous des yeux,
Près de son corps enflammé,
Et loin devant lui
Quelque chose qui s’évapore
Comme une larme d’été